BuSCA n°8 - 16 janvier 2020

 

 Éditorial 

 

Chers lecteurs,

Le BuSCA n°8 est certainement moins fourni en brèves d’événements sanitaires que les précédents. Cependant, il témoigne d’une variabilité saisonnière de certains événements et/ou de leurs déclarations.  Le phénomène est intéressant et fera l’objet d’un prochain focus.

Dans ce numéro, nous vous proposons un point sur le séquençage de génome entier ou “Whole-Genome-Sequencing” (WGS). Cette technique souvent citée dans nos bulletins est une innovation majeure de ces dernières années dans le domaine de la santé publique ; elle a considérablement amélioré l’investigation des épidémies, l’attribution de source et l’évaluation des risques alimentaires liés aux micro-organismes pathogènes.

Bonne lecture !

 

 Les brèves 

 

Dangers biologiques

 

France (source) et Europe (cas), TIAC, Norovirus, huîtres

Du 1er décembre 2019 au 8 janvier 2020, 179 TIAC suspectées d’être liées à la consommation de coquillages crus ont été déclarées en France. Au total, 1 033 malades ont été recensés. Les symptômes étaient compatibles avec des infections à norovirus. Habituellement, 4 à 30 TIAC de ce type sont enregistrées sur cette période de l’année. Dans sept départements, plusieurs zones de production ont été fermées pour cause de contamination par des norovirus. Des TIAC liées à des huîtres françaises ont été déclarées sur le RASFF aux Pays-Bas, en Italie et en Suède. D’une manière générale, la part des infections à norovirus attribuable à la voie alimentaire est estimée entre 12 et 16%.

 

France (cas) et Italie (source), TIAC, Salmonella  enteritidis, œufs

Le 9 janvier 2020, les autorités françaises ont déclaré sur le RASFF une suspicion de TIAC à Salmonella enteritidis. L’enquête épidémiologique permet de suspecter que des œufs issus de l’agriculture biologique en provenance d’Italie pourraient être la source de la contamination. Des investigations complémentaires sont en cours en France et en Italie.

Italie, surveillance, virus de l’hépatite E, mollusques bivalves

En 2018, 225 mollusques bivalves (moules et huîtres creuses en majorité) ont été prélevés dans des commerces de détail des Pouilles (Italie du sud) et le virus de l’hépatite E a été recherché par RT-PCR. Deux échantillons se sont avérés positifs. Lien

États-Unis, TIAC, E. coli O103, germes de trèfle

En Iowa (États-Unis), des cas groupés d’infection à Escherichia coli O103 ont été identifiés. Les investigations (enquête épidémiologique et analyses de laboratoire) ont permis de déterminer que la source était un lot de trèfle germé. Lien

 

Dangers Chimiques 

 

Cameroun et Ghana, surveillance, polluants organiques persistants , œufs

Au Cameroun et au Ghana la contamination par les polluants organiques persistants (POPs) a été étudiée dans six sites de traitement de déchets. Les poules élevées en liberté ont été considérées comme des « échantillonneurs actifs ». Quatre à six œufs étaient prélevés par site. Les analyses ont été réalisées dans des laboratoires européens. En plus de taux très élevés en dioxines chlorées (jusque 200 fois la dose journalière tolérable établie par l’EFSA pour un adulte consommant un de ces œufs), retardateurs de flamme et chloroparaffines à chaînes courtes, les œufs échantillonnés au niveau d’un parc de traitement de déchets électroniques contenaient le taux le plus élevé de dioxines bromées jamais mesuré dans des œufs. Lien

 

 Bilans 

 

Maladies d’origine alimentaires en Nouvelle-Zélande - Rapport 2018

En Nouvelle-Zélande, Campylobacter est resté en 2018 le pathogène alimentaire en tête des préoccupations. L'objectif de New-Zealand Food Safety est de réduire le nombre de cas humains de campylobactériose d'origine alimentaire de 10 % d'ici 2020. Les STEC, Yersinia et l’hépatite A viennent ensuite dans l’ordre d’importance. Lien

 

Évaluation des risques microbiologiques - Rapport EFSA 2019

Ce rapport fait suite à la réunion du MRA Network de l’EFSA qui s’est tenu les 21 et 22 mai à Parme. On y parle, entre autres, de distributeurs automatiques de lait cru, de STEC dans les filtres des tank à lait, de contamination par Salmonella lors de l’épilation des porcs, des sources de contamination des carcasses de bœuf par Listeria monocytogenes, de quantification de Campylobacter sur les carcasses de poulet. Lien

 

Le point sur le « Whole-Genome-Sequencing »: 

 

Le séquençage de génome entier ou « Whole-Genome-Sequencing » (WGS) est souvent cité dans les brèves du BuSCA. Cette technique récente a amélioré l’investigation des épidémies, l’attribution de source et l’évaluation des risques alimentaires liés aux micro-organismes pathogènes.

 

 

Étapes du séquençage haut débit [9]

 

Depuis l’avènement des nouvelles techniques de séquençage haut débit (NGS), il est maintenant possible d’analyser rapidement et à moindre coût le génome complet (WGS) d’un micro-organisme avec une très grande définition, améliorant ainsi la précision et la résolution du typage des agents pathogènes. L’exploitation des données issues du WGS, combinée aux enquêtes épidémiologiques, fournit des informations sur l’évolution génétique d’une souche dans un contexte épidémique et permet de regrouper les cas entre eux et d’identifier rapidement un aliment suspect.

 

Avant l’apparition du séquençage haut débit, dans les années 2000, il existait d’autres méthodes de caractérisation phénotypique et/ou génotypique des micro-organismes [1]. Parmi les plus utilisées peuvent être citées le sérotypage, l’électrophorèse champs pulsé (PFGE) ou le séquençage de gènes ciblés (MultiLocus Sequence Typing, MLST).

 

Deux approches sont habituellement utilisées pour analyser les données de WGS : i) l’analyse du polymorphisme nucléotidique (SNP) ou ii) le typage (cg- ou wg-) MLST. Par rapport au MLST classique pour lequel un nombre limité de gènes (6 ou 7) est considéré, le WGS permet de comparer les variations génétiques du core-génome (partie conservée du génome) (cgMLST) ou du génome entier (wgMLST), soit plusieurs centaines ou milliers de gènes. Le choix de la méthode d’analyse des séquences dépend de l’objectif poursuivi, de l’espèce ou du genre considéré. En général, les approches basées sur l’analyse des SNPs sont plus discriminantes que les approches dites « gène par gène » (cg- ou wg-MLST). Ces analyses génèrent plusieurs types de données (données brutes, profils alléliques, assemblages) stockées dans des bases de données  publiques ou privées [2]. Grâce à ces données, les gènes de résistance aux antibiotiques et ceux expliquant la virulence des agents pathogènes peuvent également être rapidement identifiés. Depuis 2013, entre 11 000 et 18 000 articles scientifiques discutent de l’utilisation du séquençage haut débit pour l’identification, l’investigation ou la prévention des épidémies d’origine alimentaire [3]. Un nombre croissant de pays utilisent en routine cette technologie principalement pour l’investigation des épidémies d’origine bactérienne. La plupart des organisations sanitaires nationales et internationales (EFSA, FDA, CDC, OMS) recommandent l’utilisation des données de WGS en routine, notamment pour la surveillance de Salmonella, E. coli et Listeria [2],[4],[5],[6] mais il n’existe pas de méthodes normalisées officielles, ni d’exigences réglementaires.

 

Assurer la qualité et la robustesse des analyses de données après le séquençage est encore un véritable challenge en terme d’harmonisation des protocoles, pipelines analytiques et solutions informatiques. Au niveau Européen, l’EFSA et l’ECDC ont intégré ces contraintes et ont produit un avis conjoint récent [7]. Au niveau international, le Global Microbial Identifier (GMI), consortium de plus de 270 scientifiques issus de 55 pays, promeut la mise en place d’un système mondial de bases de données d’ADN génomique pour l'identification et le diagnostic des maladies infectieuses. Pour mettre en place un tel système, une approche coordonnée et standardisée entre les différentes agences sanitaires internationales est nécessaire [7]. Cette approche doit comprendre une harmonisation des protocoles, des analyses bio-informatiques et des paramètres de qualité. Le GMI propose ainsi des « programmes d’essais d’aptitude » réguliers aux laboratoires et travaille à la production de recommandations et protocoles harmonisés.

 

La surveillance de la chaîne alimentaire nécessite aussi l’intégration des métadonnées fournies par les enquêtes épidémiologiques (source, caractéristiques cliniques, date, environnement, etc.). Ces métadonnées, indispensables pour l’investigation et la compréhension des épidémies et l’évaluation des risques microbiens, devraient être également intégrées aux bases de données. Le WGS permet d’enrichir et de conforter les informations issues des enquêtes épidémiologiques, il ne peut en aucun cas les remplacer. Une analyse complète des coûts et des bénéfices liés à l’utilisation systématique du WGS dans le domaine de la sécurité sanitaire des aliments n’est pas encore disponible car une telle évaluation dépend du niveau d’équipement et du besoin de chaque pays [5]. Même si le coût du séquençage et du stockage des données a largement diminué ces dernières années, les coûts liés au passage du PFGE au WGS ont été estimés entre 100 000 $ US et 700 000 $ US, par laboratoire, aux États-Unis, selon le débit d'isolats [5]. Cependant une analyse canadienne plus globale a montré que l’utilisation du WGS, en remplacement de plusieurs méthodes de typage, pourrait réduire de 5,21 millions à 90,25 millions de dollars par an le coût global de la prise en charge des soins de santé liés aux cas de salmonellose [8].

 

Ce bulletin est rédigé par l’équipe de veille de la Plateforme de surveillance de la chaîne alimentaire. Il n’engage pas les membres de la Plateforme.