BuSCA n°2 - 24 octobre 2019

 

Éditorial

 

Voici le second numéro du bulletin de veille de la Plateforme de surveillance de la chaîne alimentaire (BuSCA). Le BuSCA rapporte des informations évènementielles sur la contamination biologique ou chimique le long de la chaîne alimentaire et fait des points sur des dangers sanitaires majeurs présents sur le territoire français ou le menaçant. Il est rédigé par l’équipe de veille de la Plateforme SCA.

Nous sommes toujours en phase pilote, dans l’attente d’une validation par le comité de pilotage de la Plateforme du 15 novembre prochain. Ce bulletin est donc actuellement diffusé uniquement aux membres du comité de pilotage de la Plateforme.  Nous vous remercions de ne pas le diffuser.

Nous avons pris en compte les remarques que nous avons reçues sur le BuSCA n°1. Nous discuterons du fond et de la forme lors du comité de pilotage. Il s’agira en particulier de valider les critères d’inclusion et d’exclusion des signaux que nous détectons, et de valider les deux formats d’articles ("les brèves" et "le point sur").

Bonne lecture !

 

Les brèves 

 

Dangers biologiques

 

Mise à jour, épisode terminé : cas groupés de Salmonella Enteritidis dans 11 Etats aux USA. Le CDC rapporte 44 cas dont 60% de femmes et 12 hospitalisations, entre le 15 mai 2018 et le 28 août 2018. L’âge médian des personnes malades étaient de 32 ans. L’alerte a été émise le 25 octobre 2018 par le Centers for Disease Control and Prevention (CDC). L’intoxication est liée à la consommation d’œufs produits par Gravel Ridge Farms. Les produits rappelés n’ont pas été distribués en France.

Cas groupés de salmonellose aux USA. La presse rapporte le 8 octobre 2019 l’infection d’au moins 21 personnes par Salmonella suite à la consommation d’houmous dans une chaîne de restaurant. L’houmous provenait de Hyattsville (Maryland). Deux villes du Maryland ont été particulièrement concernées. Le ministère de la santé du Maryland a commencé les investigations le 26 septembre 2019 et n’exclut pas l’houmous comme source de contamination. La vente d’houmous par cette chaîne de restaurant a été stoppée le 4 octobre 2019. Ce produit n’a pas été vendu en France.

 

Salmonella Enteritidis en Australie. Ce sérotype n’avait pas été identifié en Australie jusqu’à l’an dernier. La presse rapporte le 18 septembre 2019 un épisode de salmonellose en Australie. Les premiers cas ont été observés en mai 2018. L’épisode s’est terminé en juin 2018. Les autorités de santé ont enregistré plus de 200 cas. Les investigations ont commencé en juillet 2018. La source était des œufs dans des meringues congelées. Les investigations ont identifié la ferme produisant les œufs, dans la banlieue de Sydney, en septembre 2018 mais la bactérie a été identifiée dans plusieurs fermes. La propagation serait liée aux échanges de produits, de matériel et de personnel. Plus d’un demi-million d’oiseaux ont été abattus. Ces œufs n’ont a priori pas été distribués en France.

Un nouveau sérotype de Salmonella enteritica (11:z41:e,n,z15) a été découvert, associé à une épidémie de salmonellose entre mai 2016 et avril 2017, dans quatre pays européens : Grèce, Allemagne, République Tchèque et Royaume-Uni. La source mentionnée par Eurosurveillance est des graines de sésame.

Une trentaine de cas de salmonellose aux Pays-Bas serait liée à des œufs espagnols. Ces cas sont sporadiques depuis 2018. Une alerte RASFF (2019.3069) a été émise le 28/08/2019. La souche serait particulièrement virulente et / ou la contamination élevée, car : l’incubation était courte (6h), les taux d’attaque et d’hospitalisation élevés. (BuSCA n°1.)

Mise à jour: la souche incriminée est Salmonella Enteritidis, confirmation par le National Institute for Public Health and Environment (RIVM - Hollande) [communication personnelle]

Les médias rapportent le 29 septembre 2019, trois cas de listériose au Danemark en 2019. La listeria a été retrouvée dans de l’houmous vendu par un magasin du nom de Tyrkeren Odder.

Food Safety News rapporte le 15 octobre 2019, le cas d’un enfant de quatre ans gravement malade suite à une toxi-infection par E. coli O157 en Angleterre. Une enquête est en cours par le département de santé publique anglais pour identifier la source. Cependant le nombre de cas lié à des toxi-infections par des E. coli producteurs de shigatoxine (STEC) enregistré cette année en Angleterre n’est pas supérieur au nombre de cas enregistré l’année dernière à la même période.

 

La presse locale rapporte le 9 octobre 2019 que le nombre d’infections liées à l’hépatite E a doublé en quatre ans à Singapour, entre 2012 et 2016. Les autorités de santé mettent en cause le foie de porc.

 

 

Dangers chimiques

 

Le journal de l’EFSA paru en septembre 2019 rapporte les résultats d’une enquête sur les concentrations de métaux lourds, de dioxines (Polychlorinated dibenzo-p-dioxins/polychlorinated dibenzofurans [PCDD/Fs], polychlorinated biphenyls [DL-PCBs]) et de composés fluorés hydrophobes et lipophobes (PFAS) dans les produits issus de l’agriculture et de la pêche, en Allemagne et en Norvège, entre 2012 et 2017. De fortes concentrations en plomb ont été retrouvées dans les produits d’origine allemande alors que le cadmium, le sélénium et le mercure sont plus élevés dans les produits d’origine norvégienne. Les concentrations en PCDD et DL-PCBs ont tendance à augmenter en Allemagne alors que les concentrations en PFAS sont généralement inférieures au niveau quantifiable dans les deux pays.

 

 

Données de surveillance

 

  • La FAO et l’OMS publient un rapport basé sur une analyse des données de surveillance des épidémies associées aux E. coli producteurs de shigatoxines (STEC) dans 27 pays, entre 1998 et 2017.
  • Rapport annuel 2018 sur l'utilisation du système d’alerte rapide pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux (RASFF).
  • Un rapport du CDC, de la FDA et du ministère de l'Agriculture des États-Unis (USDA) publié en septembre 2019 sur l’analyse des données de surveillance de quatre bactéries pathogènes alimentaires (Salmonella, E. coli O157, Listeria monocytogenes et Campylobacter), aux USA, entre 1998 et 2017.
  • Le rapport annuel DANMAP sur les données de surveillance des agents pathogènes alimentaires au Danemark a été publié le 7 octobre. Il couvre les années 2014 à 2018. Les épidémies ont été le plus souvent causées par des norovirus d’origine alimentaire. Une augmentation des cas de STEC a été également observée.

 

 

Le point sur : les PFAS un danger chimique (ré-)émergent?

 

Que sont les PFAS ?

Les substances perfluoroalkylées (composés perfluorés - PFAS) sont une large famille de substances chimiques (plusieurs milliers de molécules), fabriquées depuis la fin des années 1940 et utilisées dans de nombreuses applications industrielles et produits de consommation courante. Très persistants et résistants à la dégradation, ces composés sont retrouvés dans tous les compartiments de l'environnement et dans la chaîne alimentaire. Parmi ces substances, le PFOA et le PFOS ont été particulièrement étudiés, car ils sont les produits de dégradation ultime des composés perfluorés les plus utilisés.

Ces substances sont notamment utilisées dans les papiers et les cartons d’emballages alimentaires comme agents antiadhésifs, mais également dans les revêtements des ustensiles de cuisine. L'alimentation est considérée comme la principale source d'exposition aux PFAS : les poissons et produits de la mer en particulier, mais également le lait et l’eau de boisson. Plusieurs PFAS sont reconnus comme polluants organiques persistants pour l'environnement et sont associés à des effets néfastes pour la santé. Plusieurs études ont indiqué que le PFOS et le PFOA ont des effets néfastes sur la santé des animaux de laboratoire : hépatotoxicité, toxicité pour le développement neurocomportemental, immunotoxicité, reprotoxicité, toxicité respiratoire, perturbation endocrinienne ; la génotoxicité et le potentiel carcinogène sont faibles [source]. En 2012 l’EFSA ne semblait pas alarmiste sur le sujet, concluant « The current review confirmed that dietary exposure to PFOS and PFOA is highly unlikely to exceed health-based guidance values ». En décembre 2018 toutefois, l’EFSA a proposé, sur la base de nouvelles données disponibles, de revoir les valeurs toxicologiques de référence pour le PFOS et le PFOA, pour lesquels les doses journalières tolérables (DJT) ont ainsi été abaissées d’un facteur 80 et 1750 respectivement ! En conséquence, pour ces deux composés il apparaît des expositions supérieures aux DJT. Une seconde évaluation étendue à l’ensemble des PFAS est attendue pour fin 2019.

Est-ce un sujet émergent ?

Dans Medline, le terme PFAS apparaît pour la première fois en 1976. Cependant, le nombre de publications annuelles ne décolle qu’au début des années 2000 et explose en 2012. En 2018, cela correspond à 217 publications scientifiques. Dans Google Trends, « l’intérêt de recherche » sur 12 mois par pays est très hétérogène. Il est élevé (>40) dans 4 pays : la Suède, l’Australie, l’Italie et les USA. En France il n’est que de 1. D’un point de vue temporel on note un décalage avec la recherche scientifique, le décollage étant en 2014 en Suède, en 2016 en Australie et Italie et en 2018 aux USA.

Qu’est-ce qui distingue ces différents pays ?

En Italie, le problème (ou la perception du problème) est localisé en Vénétie (région de Venise) et est connu depuis 2013. Une étude récente a identifié l’eau de boisson comme source principale, mais le lait et les œufs sont également cités. Aux USA, plusieurs articles sont publiés chaque jour dans la presse à ce sujet et les PFAS sont appelés « forever chemicals ». Ces articles concernent principalement l’eau de boisson et les sols, mais des contaminations de la chaîne alimentaire sont également évoquées. Les matrices alimentaires évoquées sont le lait, dans le Michigan, et les poissons d’eau douce. En Suède, l’eau et le poisson sont les deux sources de contamination citées. En Australie, il existe un site gouvernemental spécialisé sur le sujet, témoignant d’une prise en compte au plus haut niveau. Il semble exister un problème spécifique autour de bases d’aviation militaire (contamination par des produits d’extinction d’incendie).

En France, la veille quotidienne n’a pas relevé d’articles de presse sur ce sujet.  L’Étude d’Alimentation Totale EAT2 concluait en 2011 que le PFOS et le PFOA ne représentaient pas, en l’état des connaissances, un risque sanitaire pour la population française. En 2016, l’EAT_infantile concluait quant à elle à une exposition tolérable de la population infantile à ces deux composés, n’excluant toutefois pas de réviser ces conclusions si de nouvelles DJT étaient retenues. De nouvelles valeurs étant désormais disponibles depuis fin 2018 (EFSA), il serait intéressant d'étudier la pertinence de réviser les conclusions de ces études. Aucune conclusion sur le risque sanitaire des autres PFAS n’a pu être émise en l’absence de données toxicologiques. De surcroît l’Anses a publié un certain nombre d’avis sur les PFAS, dont le dernier date de 2017 et traite de l’eau de boisson. Enfin, ce contaminant fait partie des dangers étudiés dans la saisine CIMAP 2, de l’Anses, dont la publication est imminente.

Conclusion

L’exposition aux PFAS est un sujet d’intérêt croissant au niveau mondial. Alors que la voie de contamination principale de l’Homme est l’eau de boisson, qui n’est pas dans le périmètre de la plateforme SCA, il convient de rappeler que les aliments d’origine animale, en particulier le lait, les œufs et les poissons peuvent être contaminés via l’eau.

 

Ce bulletin est rédigé par l’équipe de veille de la Plateforme de surveillance de la chaîne alimentaire. Il n’engage pas les membres de la Plateforme.