BuSCA n°12 - 12 mars 2020

 

Éditorial

 

Chers lecteurs,

Pour ce douzième BuSCA, le comité éditorial vous a sélectionné des informations sanitaires très diversifiées par la nature des dangers comme par les matrices potentiellement en cause dans les événements. Pour exemple, l’invasion actuelle des pays de la corne de l’Afrique par des essaims de criquets, menace la sécurité alimentaire de ces pays mais est aussi à l’origine d’épandages massifs de pesticides sur les cultures, possiblement d’exportation.

Nous vous proposons également un retour sur les événements sanitaires du début de l’année au travers d’un point sur dédié à norovirus, la principale cause de gastro-entérites aiguës chez l’Homme.

Bonne lecture !

 

Dangers biologiques

 

Avis

Coronavirus SARS-CoV-2, risque zoonotique

L’Anses a publié le 11 mars un avis sur le rôle potentiel des animaux domestiques et des aliments dans la transmission du SARS-CoV-2. L’agence exclut le risque de transmission directe du virus par la consommation d'un aliment issu d’un animal contaminé. L’agence conclut qu'une éventuelle transmission par un aliment serait due à la contamination de cet aliment, lors de sa manipulation ou de la préparation du repas, par une personne infectée par le virus. Dans l’état des connaissances la transmission du virus SARS-CoV-2 par voie digestive directe est écartée. Lien

Suivi

Suède (cas) et France (source), Salmonella Dublin, fromage au lait cru (morbier)

Deux cas de salmonellose à Salmonella Dublin apparus en Suède fin 2019 (novembre et décembre) ont été reliés à l’épisode de 13 cas survenu en France et lié à la consommation de morbier (cf. BuSCA 10). L’analyse du génome complet a confirmé le lien entre les cas français et suédois. La Suède faisait partie, avec l’Espagne et le Royaume-Uni des pays où le lot avait été distribué. Lien

Étude

Allemagne, Brucella

En Allemagne, 408 cas humains de brucellose ont été notifiés de 2006 à 2018. Pour la majorité des cas (75%), l’exposition a eu lieu hors d’Allemagne, principalement au Moyen-Orient, mais également en Europe pour 29 cas (Italie, Espagne, Grèce). Dans 91% des cas où une source avait été identifiée il s’agissait de produits laitiers non pasteurisés. Concernant les 25% de cas autochtones, au moins une source probable a été identifiée pour un tiers des cas. Il s’agissait le plus souvent de consommation d’aliments importés ou d’exposition professionnelle.  Dans trois cas, ces fromages avaient été achetés en Allemagne. Lien

Événement

USA, E. coli O103, germes de trèfle

Aux USA, un épisode d’infections par E. coli O103 productrice de shiga-toxine (STEC) liées à la consommation de germes de trèfle a eu lieu en novembre et décembre 2019. Les germes étaient distribués par une chaîne de restaurants. Treize cas ont été diagnostiqués. On ne dispose pas encore de détails sur la gravité des cas ou l’origine des graines. Un autre épisode, aux USA, d’infections par E. coli O103 liées à la consommation de trèfle germé avait été rapporté dans le BuSCA 8. Ces deux épisodes sont distincts. Lien

Étude

Portugal et Roumanie, Salmonella spp., œufs de basse-cour

Au Portugal et en Roumanie, 402 œufs provenant de 104 basses-cours ont été prélevés pour recherche de salmonelles. Aucune contamination n’a été détectée en Roumanie. Au Portugal Salmonella a été détectée dans 3% des œufs et 11% des basses-cours. Il s’agissait de S. Typhimurium (cinq cas, avec des profils d’électrophorèse identiques) et S. Enteritidis (un cas). Au Portugal, 96 % des œufs étaient visiblement sales, soulignant un non-respect des mesures d’hygiène. Cette étude a été réalisée dans le cadre du projet européen  SafeConsume. Lien

 

 

Bilan

UE, antibiorésistance, bactéries zoonotiques et indicatrices

L’EFSA et l’ECDC ont publié leur rapport sur la résistance aux bactéries zoonotiques et indicatrices. Les données harmonisées proviennent de prélèvements réalisés entre 2017 et 2018 sur les hommes, les animaux et les aliments. Les principales espèces bactériennes ciblées sont Salmonella, Campylobacter, E. coli et Staphylococcus aureus. La résistance aux antibiotiques considérés comme “critiques” (fluoroquinolones, céphalosporines de 3ème et 4ème génération, macrolides et glycopeptides) a été comparée au niveau européen avec un accent sur les bactéries multi-résistantes. Dans les aliments, une diminution notable des E. coli bêta-lactamase à spectre étendu (BLSE) est rapportée . Les principaux sérotypes de Salmonella multi-résistantes sont S. Infantis et S. Typhimurium. Lien

 

Système de surveillance

USA, STEC, légumes feuilles

Les USA sont régulièrement touchés par des épisodes d’infections à STEC suite à la consommation de salade verte et autres légumes-feuilles (cf. BuSCA 6). La FDA vient de publier son plan d’action pour 2020. Certaines actions concernent plus particulièrement la surveillance et notamment la création du « Leafy Green Data Trust », une plateforme public-privé, pour partager et rendre plus accessibles les données générées par la filière ou encore le travail avec les parties prenantes sur les méthodes de surveillance (nouvelles méthodes de diagnostic et protocoles d’échantillonnage). L’accélération de la transmission des résultats d’analyse génétique (WGS) entre les Etats et le niveau fédéral est également un objectif. Lien

 

Dangers chimiques 

 

Événement

Corne de l’Afrique, criquet pèlerin, pesticides

Les pays de la corne de l’Afrique subissent actuellement la plus importante invasion de criquets pèlerins depuis 25 ans. C’est un risque majeur pour la sécurité alimentaire de ces pays. Le principal moyen de lutte est la pulvérisation d’insecticides, par voie aérienne ou terrestre. Devant l’urgence il est possible que des stocks d’anciens insecticides soient utilisés. Sept substances actives sont citées dont quatre ne sont pas actuellement approuvées dans des produits phytopharmaceutiques en France (fénitrothion, chlorpyrifos, fipronil, téflubenzuron). Il convient de rappeler que le Kenya, l’Éthiopie, l’Ouganda et la Tanzanie sont, parmi les pays concernés, ceux qui exportent des volumes conséquents de végétaux vers l’Union Européenne. Lien

Étude

Roumanie, métaux lourds, miel

L’objectif de l’étude était de mesurer les concentrations en plomb (Pd), cadmium (Cd), zinc (Zn) et cuivre (Cu) dans du miel produit dans une région industrielle de Roumanie, celle de Copșa Mică, considérée comme l’une des plus polluées d’Europe de l’Est. Le miel de six ruches a été prélevé. Les concentrations médianes mesurées étaient (en mg/kg) de 1,49 (Pd), 2,20 (Cd), 20,4 (Zn) et 3,7 (Cu). La teneur maximale autorisée du Pb dans le miel est de 0,1 mg/kg (Règlement 2015/1005 de la CE). Le Cd n’est pas réglementé dans cette matrice mais le seuil d’alerte français est de 0,05 mg/kg. A titre de comparaison, les analyses des Plans de Surveillance/Plans de Contrôle de la DGAL réalisés en 2018 dans le miel retrouvaient au maximum des concentrations (en mg/kg) de 0,102 (Pb) et 0,005 (Cd).  Lien

 

Le point sur norovirus : diagnostic et état des lieux en Europe

 

La période des fêtes 2019-2020 a été marquée, en France et en Europe, par un nombre important de cas groupés de gastro-entérites pour lesquels la source présumée est la consommation d’huîtres contaminées par norovirus [1]. C’est l’occasion de faire le point sur les outils de diagnostic et les données de surveillance de ce danger.

 

 

Le norovirus et les outils de diagnostic

 

Les norovirus (NoV) sont la principale cause de gastro-entérites aigües chez l’Homme. Ce sont des virus nus à ARN. Les NoV sont classés en génogroupes dont trois infectent l’Homme (les I, II et IV). Depuis plusieurs années, 80 à 90 % des cas cliniques sont liés au génogroupe II [2]. L’Homme constitue le seul réservoir des NoV humains [3]. Pour la gestion du risque microbiologique dans les mollusques bivalves vivants, Escherichia. coli (E. coli) est utilisé comme indicateur de contamination fécale, conjointement à des signaux d’alerte sur la pluviométrie et les incidents sur le réseau d’assainissement [4]. Néanmoins, E. coli est reconnu pour avoir une survie très inférieure aux virus, dans l’environnement et vis-à-vis des traitements d’assainissement. De plus, les NoV se lient spécifiquement à la glande digestive des mollusques via des glycanes appelés A-Like HBGA [5]. Ce phénomène de liaison implique que les mollusques peuvent concentrer les NoV. La détection d’E. coli peut donc indiquer la présence éventuelle de NoV mais la non-détection de la bactérie ne garantit pas l’absence du virus.

 

Les méthodes de détection [6] et de quantification [7] du génome des norovirus sont normées par l’ISO. Il s’agit d’une qPCR en temps réel qui détecte les génogroupes I et II. La RT-qPCR permet de détecter le génome du virus mais ne donne pas d’indication sur son caractère infectieux. La caractérisation du caractère infectieux des NoV est très difficile car ils ne sont pas cultivables en routine ; des travaux de recherche sont donc menés par différentes équipes pour développer des méthodes permettant de caractériser le risque infectieux des NoV dans les aliments à risque (coquillages et végétaux). 

 

En France, des travaux sont menés par l’UMT Actia VIROcontrol et le laboratoire LSEM de l’IFREMER. VIROcontrol investigue deux axes de recherche. Le premier axe consiste à identifier, au niveau de la capside, des clés moléculaires témoignant de l’inactivation des particules virales. Le second axe, plus proche d’une mise en pratique, utilise les phages ARN F-spécifiques (FRNAPH-II) comme indicateurs indirects du danger NoV dans les coquillages. Ces phages sont des virus infectant des bactéries et ont l’avantage d’être facilement cultivables. Ils sont naturellement présents chez l’Homme. Ils présentent des caractéristiques structurales proches de celles des NoV et sont déjà utilisés pour caractériser les performances des membranes de filtration de l’eau potable [8]. La dynamique des phages dans l’environnement est similaire à celle des norovirus [9] et il a été démontré une corrélation significative entre la présence des génomes de NoV et ceux des FRNAPH-II [9, 10]. De son côté, l’IFREMER développe la culture des norovirus sur des cellules souches intestinales humaines (enteroïdes). Cette technique, assez complexe, pourra servir à la validation de méthode (Par exemple, détermination de la durée minimale de purification des coquillages).

 

 

Variation de la prévalence apparente de NoV au cours de l’année dans les zones de production, suivant la saison et le classement des zones de production. 

Variation de la prévalence apparente de NoV au cours de l’année dans les centres d’expédition, suivant la saison et le classement des zones de production.

Surveillance au niveau européen

 

L’EFSA a publié en 2019 les résultats d’une enquête de référence sur la contamination des huîtres par NoV [11]. Cette étude était conçue pour évaluer la prévalence en génome de NoV dans les huîtres, sans considération du risque pour la santé humaine. Elle a concerné douze états membres et la Norvège, de 2016 à 2018. La France représente 39% des résultats de l’étude au niveau des zones de production et 89% en centres d’expédition. Au niveau européen, les résultats montrent une prévalence en génome de NoV humains dans les huîtres de 34,5% au niveau des zones de production (n=2 180) et de 10,9% au niveau des centres d’expédition (n= 2 129). Le niveau de contamination était, dans plus de 90% des cas inférieur, à la limite de quantification (non détection ou détection en-dessous de la limite de quantification). La contamination a une forte composante saisonnière (moindre prévalence en été, pic de novembre à février).

 

Un autre facteur de risque est le classement de la zone au regard du risque de contamination fécale. Toutes les zones de production européennes sont classées dans une des quatre catégories (A, B, C et non classée) en fonction de l’ensemble des quantifications d’E. coli réalisées dans la zone. Le classement est réévalué chaque année en tenant compte des résultats de surveillance des 3 années précédentes. Les zones A sont celles où la qualité de l’eau est la meilleure. Les coquillages qui y sont produits peuvent être commercialisés sans passage en centre de purification. 

 

L’étude EFSA a montré que la contamination par les NoV était moindre dans les zones classées A, quelle que soit la période de l’année. Ceci est vrai au niveau des zones de production mais aussi des centres d’expédition. Ces résultats confirment l’impact de la qualité générale des eaux sur le risque NoV. Une différence dans la saisonnalité a aussi été observée entre les deux génogroupes testés. La saisonnalité est moins marquée pour les NoV de génogroupe I. Ce phénomène est cohérent avec les travaux de l’Ifremer sur les ligands. Le NoV de génogroupe I étant plus fortement lié aux huîtres que le génogroupe II, il est logique qu’il y persiste plus longtemps, et donc que sa saisonnalité soit moins forte [5].

 

Ce bulletin est rédigé par l’équipe de veille de la Plateforme de surveillance de la chaîne alimentaire. Il n’engage pas les membres de la Plateforme.