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BuSCA n°10 - 13 février 2020

 

 Éditorial 

 

Chers lecteurs,

Avec ce numéro, le BuSCA passe à deux chiffres ! Vous y découvrirez notamment un épisode de toxi-infection qui dure depuis plus de sept ans. En ce début d’année, l’actualité est également riche en publications. Enfin, nous vous proposons de faire le point sur un danger méconnu bien que décrit depuis l’Antiquité.

Bonne lecture.

 

 Les brèves 

 

Dangers biologiques

 

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France, TIAC, Salmonella Dublin, Fromage au lait cru (morbier)

Santé publique France, le CNR Salmonella et la DGAL investiguent 13 cas de salmonellose répartis dans sept régions. L’âge médian des cas est de 72 ans. Trois patients sont décédés, sans présumer de la responsabilité de la salmonellose dans le décès. Les souches ont été isolées entre fin novembre 2019 et début janvier 2020. L’analyse du génome complet (WGS) a montré qu’il s’agissait d’un cluster de S. Dublin. La majorité des cas avait consommé du morbier (fromage au lait cru de vache à pâte pressée non cuite). Ces fromages provenaient d’un même fournisseur. Lien 

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Europe, TIAC, Norovirus, Huîtres

Dans les BuSCA 8 et 9 nous avions évoqué des cas, dans différents pays européens (Pays-Bas, Italie, Suède, Danemark), d’infection par norovirus liés à la consommation d’huîtres en provenance de France. Depuis, des cas similaires ont été signalés au Royaume-Uni, avec des huîtres locales, et en Espagne avec des huîtres irlandaises purifiées en Espagne (Alertes RASFF 2020.0332 et 2020.0379)

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Europe, TIAC, Salmonella Enteritidis, Œufs

Un épisode de toxi-infection par Salmonella Enteritidis est en cours en Europe depuis 2012. Les cas sont répartis dans 18 pays. Le lien entre les souches a été établi par des méthodes moléculaires). Au total, 1 656 cas ont été recensés. Après un pic en 2016-2018, l’incidence a diminué mais l’épisode n’est pas terminé (248 cas depuis le 19/11/2018). Les enquêtes ont permis de relier ces cas à un regroupement d’élevages de poules pondeuses polonais. Il n’y a pas de preuve que la source ait été éliminée et il est donc probable que l’épisode se poursuive en 2020. La Pologne est le cinquième producteur d’œufs de l’UE. Lien

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Italie, TIAC, Trichinella spiralis, sanglier

En Italie, dans la région de Turin, un épisode de cas groupés de trichinellose a été observé. Les 90 cas ont été diagnostiqués entre le 24 décembre 2019 et le 10 janvier 2020. La contamination aurait eu lieu par la consommation de saucisses crues de sanglier sauvage. Lien.

 

Dangers Chimiques 

 

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Italie, Surveillance, mycotoxines (fumonisine), maïs

En Italie, les concentrations de fuminosine dans le maïs ont atteint, en 2019, des niveaux jamais observés depuis 2011. La limite maximale autorisée par l'UE dans le maïs non transformé est de 4 mg/kg. Le CREA (institut de recherche publique italien) a analysé 242 échantillons dont 77 % des ont dépassé ce seuil. Une période pluvieuse en mars-avril 2019 aurait eu un effet déterminant. Les teneurs en aflatoxine B1 se sont maintenus dans la moyenne des années antérieures tandis que celles du DON et de la zéaralénone n’ont pas été particulièrement élevées. Lien

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Russie (contrôle) et Norvège (production), résidus (cristal violet), saumon

Les autorités vétérinaires russes ont déclaré avoir détecté du cristal violet dans du saumon norvégien transformé en Biélorussie. Le cristal violet présente des propriétés antifongiques et antibactériennes pouvant notamment être utilisées pour le traitement des infections cutanées et oculaires chez le bétail et les poissons ou produits d’aquaculture. Cependant, suspecté d’être cancérogène pour l’Homme, il n’est pas autorisé dans l’Union Européenne. Lien

 

 Bilans 

 

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France, surveillance, Toxoplasma gondii, bovins

En France, la prévalence de l’agent de la toxoplasmose chez les bovins est moins documentée que chez les ovins et les caprins. Une étude transversale a montré une séroprévalence de 5,3 % chez les bovins de moins de 8 mois et de 23,1 % chez ceux de plus de 8 mois. Les 2 912 prélèvements ont été réalisés en 2009. L’article a été publié en décembre 2019. Lien

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Royaume-Uni, bilan, STEC

En Angleterre et au Pays de Galles, 607 cas d’infection par STEC O157 ont été confirmés en 2018, dont 2 % ont développé un syndrome hémolytique et urémique (SHU). L’age médian des personnes ayant développé un SHU est de 3,5 ans. Quatre épisodes de cas groupés ont été investigués, représentant 9 % des cas et aucun SHU. Pour deux de ces épisodes une source alimentaire a été suspectée mais la source n’a pu être identifiée. Lien

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Espagne, Surveillance, virus de l’hépatite E, Porc

En Espagne 45 porcs ont été prélevés dans neuf abattoirs représentatifs de la production nationale pour recherche du virus de l’hépatite E. La séroprévalence était de 73 %. 450 RT-qPCR ont été réalisées (10 par porc). Le virus a été détecté dans 6 % des analyses. Il en a été trouvé dans le foie, les fèces, les reins, le cœur, le sérum et le diaphragme. Tous les échantillons de côtes, poitrine, jambon et filet se sont avérés négatifs. Lien

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Europe, Bilans, listériose - salmonellose - échinococcose - yersiniose

L’ECDC a publié ses rapports annuels basés sur des études menées en 2017 pour la salmonellose, la yersiniose, la listériose,  et l’échinococcose. Les nombres de cas recensés sont respectivement de 92 649, 6 890, 2 502, et 412.

 

 Le point sur les grayanotoxines et le miel fou 

 

En novembre dernier, l’EFSA a lancé un appel d’offre pour réaliser une étude bibliographique détaillée sur les grayanotoxines [1]. C’est l’occasion de faire le point sur ce danger chimique connu depuis l’antiquité et ayant entraîné des cas d’intoxination à la Réunion.

 

 

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Rhododendron ponticum

 

Strabon, un auteur grec, raconte comment « les Heptacomères massacrèrent trois cohortes de Pompée [...] en plaçant sur les chemins des pots de miel enivrant ». Xénophon relate également l’empoisonnement de soldats grecs par du miel. Ces auteurs antiques ne le savaient pas, mais ils rapportent là des cas d’intoxination par des grayanotoxines, contenues dans du « miel fou » [2].

 

Les grayanotoxines sont des dérivés diterpéniques, des toxines végétales synthétisées par certaines plantes de la famille des Ericaceae. Cinq plantes de cette famille en contiennent, dont le rhododendron pontique (le rhododendron des parcs). Les grayanotoxines agissent sur la pompe à sodium, de façon assez similaire au curare. Elles provoquent des troubles digestifs (vomissements et nausée), cardiovasculaires (hypotension, troubles du rythme) et nerveux (étourdissements, troubles de la conscience). Les différentes parties de la plante (fleurs, fruits, feuilles, nectar) sont toxiques. Le miel produit à partir des fleurs de ces plantes, appelé «  miel fou », peut également s’avérer toxique. Trois types de grayanotoxines (I, II et III) ont été identifiées dans ces miels. Les grayanotoxines sont rarement mortelles chez l’Homme, mais elles le sont chez certaines espèces animales (bovins, ovins, caprins, chevaux, chiens…). Le miel de rhododendron a aussi été proposé comme rodenticide. [3].

 

Les miels fous proviennent principalement des régions côtières de la Mer Noire en Turquie et des montagnes de l’Himalaya, où le rhododendron pontique est abondant. En Turquie, le miel fou est toujours produit de manière traditionnelle, et intentionnelle, dans des ruches creusées dans des troncs de tilleuls [4].

En 2018, 3 482 tonnes de miel ont été importées dans l’UE en provenance de ce pays. Ceci représente 2 % des importations de l’UE.

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Hampe florale de Agarista salicifolia

Les cas contemporains d’intoxination aux grayanotoxines sont principalement répertoriés en Turquie [5],[6]. En France, des cas ont été observés à la Réunion. La plante mise en cause n’est pas Rhododendron ponticum, mais Agarista salicifolia, appelé bois de gale, qui est également de la famille des Ericaceae. L’origine des cas peut-être une décoction [7] ou du miel [8] dit «  en rayons », c’est-à-dire du miel contenu dans ses alvéoles en cire d’origine. Ce miel brut, aussi appelé « miel en gaufre », contient du nectar, de la cire et éventuellement du pain d’abeilles (pollen stocké dans les alvéoles). L’ensemble est ingéré par le consommateur. La concentration en toxines ingérée est alors plus élevée que dans du miel classique, dans lequel le miel est extrait des alvéoles, filtré, éventuellement mélangé avec d’autres miels puis mis en pot. Suite à ces cas, la vente du miel en rayon a été interdite à la Réunion, pendant la période de floraison de cette plante.

 

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Répartition de Rhododendron ponticum en France

Rhododentron ponticum a été introduit en France et en Europe comme plante ornementale. Il produit une grande quantité de graines après 12 à 15 ans de vie et peut coloniser forêts et landes. Dans certaines régions de France métropolitaine, il est classé comme une plante envahissante. Deux conditions doivent être réunies pour qu’il devienne invasif : le climat doit être « océanique franc » et le sol acide ; la Bretagne (principalement le Finistère) et l’ancienne Basse-Normandie réunissent ces caractéristiques pédoclimatiques [10]. En Europe, les pays les plus concernés sont le Royaume-Uni et l’Irlande. Les rhododendrons invasifs seraient cependant moins riches en grayanotoxines que les populations d’origine. Ceci serait dû à un phénomène de sélection ; les plants moins chargés en grayanotoxines auraient une plus forte capacité de multiplication [11].

 

Enfin, le rhododendron que l’on trouve dans les Alpes et les Pyrénées, à la limite des derniers arbres de l’étage subalpin, n’est pas Rhododendron ponticum ; c’est le Rhododendron ferrugineux (Rhododendron ferrugineum). Il fait également partie de la famille des Ericaceae mais ne contient pas de grayanotoxine [12]. Son miel n’est pas toxique [13].

 

Ce bulletin est rédigé par l’équipe de veille de la Plateforme de surveillance de la chaîne alimentaire. Il n’engage pas les membres de la Plateforme.