BuSCA n°4 - 21 novembre 2019

 

Éditorial

 

Après trois bulletins de veille "pilotes", le comité de pilotage de la  Plateforme de surveillance de la chaîne alimentaire a validé le format  du BusCA et sa possibilité de diffusion au sein des organismes  partenaires de la plateforme SCA. Nous souhaitons donc une bonne lecture  à notre lectorat élargi !

N'hésitez pas à nous faire part de vos suggestions et intérêts qui nous  sont très utiles pour faire progresser ce bulletin de veille.

 

Les brèves 

 

Dangers biologiques

 

France, Listeria, viande de porc (suspicion)

Le ministère de l’Agriculture rapporte le 20 Novembre 2019 que huit personnes ont été atteintes de Listériose et infectées par la même souche de Listeria. Les investigations suggèrent un lien avec la consommation de de langue de porc en gelée (ou de préparation à base de langue de porc en gelée). "A titre de précaution, compte tenu des résultats des investigations", Tradival, "en lien avec les autorités sanitaires, procède donc ce jour au retrait de la vente et à un rappel de tous les lots de langues de porc en gelée, quelle que soit la date limite de consommation". 

États Unis, E. coli (suspicion), laitue

La presse rapporte le 1er novembre 2019, 23 cas de personnes infectées dans 12 états entre juillet et septembre 2018. Une contamination à E. coli a été suspectée. Les autorités sanitaires n’ont pas révélé cet événement car les produits avaient fait l’objet d’un rappel en avril 2018 et qu’ils n’étaient plus disponibles à la vente.

 

États Unis, TIAC, Salmonella Dublin, viande de bœuf hachée

Le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) a déclaré le 1er novembre 2019, 10 cas de personnes infectées par Salmonella Dublin dans 6 états. Parmi ces personnes, huit ont été hospitalisées et une est décédée. Cette infection est liée à la viande hachée de bœuf mais le fournisseur commun n'a pas encore été identifié. L’enquête en cours est menée conjointement par le CDC et le ministère de l’agriculture américain (USDA-FSIS). Une augmentation de l’incidence du sérotype Salmonella Dublin dans les cas d’infections a été mis en évidence, entre 1968 et 2013, aux États Unis (Article).

Suède, TIAC, Salmonella Newport, écrevisses

L’agence de santé publique suédoise (Folkhälsomyndigheten) a rapporté le 30 octobre 2019 une épidémie liée à Salmonella Newport. Trente et un cas ont été associés à cette épidémie entre le 31 juillet et le 30 octobre 2019, dans 12 régions suédoises. D’après l’enquête épidémiologique menée par l’autorité sanitaire suédoise, les écrevisses provenant de Chine, distribuées par ICA et quelques autres marques sont considérées comme la source probable de l’infection. 

Australie, Salmonella Havana, graines germées de luzerne.

La presse rapporte le 2 juillet 2018 vingt et un cas associés à une épidémie de Salmonella Havana, treize personnes ont été hospitalisées d’après les informations fournies par les responsables de la santé sanitaire australienne. La source de contamination résidait dans des graines germées de luzerne, cela a été confirmé par les autorités de santé et relayé par la presse, le 7 novembre 2019. Ces produits n’ont pas été distribués en France. Un rapport officiel du gouvernement australien montre une augmentation du sérotype Salmonella Havana dans les infections liée à Salmonella en Australie entre juin et juillet 2018.

Allemagne, Aeromonas hydrophila, lait

Cette souche bactérienne a été retrouvée lors d’autocontrôles dans du lait frais à faible teneur en matière grasse produit par la société laitière allemande DMK. La presse rapporte le 11 octobre 2019 que plus de 10 marques sont concernées. L’Institut Fédéral Allemand (BfR) rappelle que cette bactérie, productrice de toxines est principalement retrouvée dans les eaux de surface, le poisson, les insectes et le bétail ainsi que dans les légumes et les produits laitiers. Une infection d'origine alimentaire causée par Aeromonas peut entraîner une infection gastro-intestinale en particulier chez les personnes immunodéprimées. Aucun rappel de produit lié à cette bactérie n’a été enregistré à ce jour par la FDA et aucune alerte n’a été émise par la commission européenne. 

Etats Unis, TIAC, E. coli O157:H7, viande de bœuf hachée

D’après la presse, trois personnes de la région de Portland, Oregon ont été infectées par E. coli O157:H7 après avoir consommé de la viande de bœuf hachée achetée en octobre 2019 dans différents points de vente New Seasons. Ce produit a fait l’objet d’un rappel par les autorités sanitaires et n’a, a priori, pas été distribué en France. D’après les données extraites de la base de données Eurostat, seulement 1200 kg de viande bovine préparée ou conservée fraîche ou congelée ont été importés depuis les Etats Unis vers l’Europe (zone Euro), entre Janvier et Décembre 2018.

 

Dangers chimiques

 

Turquie, surveillance, mycotoxines, céréales

Un article scientifique rapporte les teneurs en déoxynivalénol (DON) et en zéaralénone (ZEA) mesurées dans les céréales (maïs, riz, farine de blé, orge) et les produits alimentaires à base de céréales distribués en Turquie entre 2015 et 2018. Les concentrations de ces mycotoxines dans ces produits ne dépassent pas les doses maximales autorisées fixées par l’Union Européenne (100 µg/kg) excepté pour un seul échantillon de riz paddy. Ces résultats sont en accord avec les résultats obtenus au Canada et en Belgique (BuSCA 3)

Mer Baltique, surveillance, dioxines, harengs

L’institut finnois pour la santé et bien-être publie le 7 novembre 2019 de nouvelles mesures qui indiquent que les harengs capturés dans la mer Baltique contiennent désormais moins de toxines environnementales, de dioxines et de PCB que par le passé. Les concentrations ont diminué de 80% au cours des 40 dernières années.

 

Bilans

 

  • Synthèse bibliographique sur la contamination par les mycotoxines des aliments destinés à la consommation humaine et des aliments pour animaux en Afrique.

  • Symposium “Zoonoses et Sécurité Alimentaire” à l'Institut fédéral d'évaluation des risques (BfR), Berlin les 4 et 5 novembre 2019 

Campylobacter dans le lait cru, Salmonella dans les œufs ou Listeria dans les aliments prêts à consommer sont les causes les plus fréquentes d’épidémies alimentaires. Le BfR a développé un outil numérique (FoodChainLab) pour aider à clarifier les épidémies.

  • Publication d’un premier avis de l’EFSA sur les PFAS dans l’alimentation.

 

Le point sur: trois épisodes de listériose

 

1060 cas en Afrique du sud, 217 en Espagne, 40 en Allemagne : trois épisodes importants de listériose récents ont eu des grandes répercussions européennes et mondiales. Ils ont cependant eu des caractéristiques épidémiologiques très différentes.

L’épisode Sud-Africain est le plus important jamais observé au niveau mondial, même si le nombre de cas devrait être légèrement revu à la baisse dans un bilan définitif à paraître prochainement. Cet épisode se caractérise par son intensité et sa durée, dans un pays où la sécurité sanitaire des aliments ne considérait pas Listeria monocytogenes comme un critère microbiologique et comme une priorité de santé publique. Il s’est passé en effet plusieurs mois entre la première alerte mi-juin 2017, l’identification de la source, le 13 Janvier 2018 suite à des cas groupés dans une crèche, et le retrait du produit, le 4 mars 2018. Si la source n’avait pas été identifiée, l’épisode aurait pu durer encore longtemps. Après l’inspection de l’usine concernée d’un grand opérateur du secteur alimentaire sud-africain, la source de contamination a été établie à un point clé du processus de fabrication d’un aliment de base, de type mortadelle. Suite à cet épisode, le système de surveillance a été fortement amélioré, avec la participation d’experts français, et le Whole Genome Sequencing (WGS) est désormais utilisé en routine pour détecter les regroupements de cas.

 

L’épisode espagnol est lui le plus important survenu en Europe depuis 25 ans. Le nombre de cas comptabilisé est actuellement de 217 et augmentera probablement quand le bilan définitif sera effectué car la décentralisation et l’existence de cas chez des touristes étrangers complique la compilation des données. Tout s’est joué en quelques semaines, en août 2019, et principalement dans une région très touristique, l’Andalousie. La source a été identifiée suite à une enquête de terrain ; il s’agissait d’une sorte de pain de viande fabriqué par une PME locale. Le retrait du produit a été effectué le 15 août et le pic du nombre de cas constaté quelques jours après. Tous les éléments d’analyse ne sont pas encore disponibles, mais il semble bien que l’intensité de cet épisode soit lié à une très forte contamination du produit et non pas à une virulence particulière de la souche de Listeria monocytogenes. Une autre caractéristique de cet épisode est la faible mortalité observée : 1 % alors qu’il est habituellement de 20 à 30%. Deux hypothèses sont évoquées dans la presse pour expliquer cela ; la première est que la faible mortalité est due à une antibiothérapie plus agressive que ce qui est prévu dans les protocoles habituels en Espagne (la stratégie d’antibiothérapie a été modifiée devant l’intensité de l’épidémie, en particulier sur les patients à risque et les femmes enceintes), la seconde hypothèse est que des cas à symptomatologie légère ont été inclus, alors qu’ils ne l’auraient pas été s’ils avaient été sporadiques. Quant aux suites organisationnelles de cet épisode, il semble qu’elles porteront surtout sur l’organisation des contrôles de terrain et leur financement. En effet, la surveillance clinique a été réactive et le WGS est déjà implanté en Espagne.

L’épisode allemand est complètement différent. La répercussion médiatique a là aussi été importante et à la première lecture d’articles de presse on aurait pu croire qu’il s’agissait d’un épisode intense comme le cas espagnol. En fait, il s’agit d’une épidémie sporadique de longue durée: les 40 cas, dont trois décès, ont été observés sur une période de cinq ans, de 2014 à 2019. Ces cas n’auraient probablement pas été regroupés si le système de surveillance allemand n’avait pas été considérablement renforcé, avec la génomique, suite au dramatique épisode de syndromes urémiques et hémolytiques lié à une contamination de graines de fenugrec germées, par Escherichia coli O104:H4 en 2011. Les analyses WGS sont désormais très fréquemment utilisées en Allemagne. Cet épisode allemand est ainsi probablement le prototype des épidémies à bas-bruit qui seront désormais détectées, grâce au WGS, dans les pays ayant un système de surveillance de haut niveau. Les cas sporadiques sont peut-être, comme dans l'épisode allemand, des cas qui attendent l’information qui les reliera entre eux pour les transformer en épidémies. L’organisation allemande devrait d’ailleurs encore être améliorée suite à cet épisode : une des propositions du Land où est implanté l’industriel concerné est de créer une base de données fédérale des séquences génomiques des souches.

 

 

Ce bulletin est rédigé par l’équipe de veille de la Plateforme de surveillance de la chaîne alimentaire. Il n’engage pas les membres de la Plateforme.