1060 cas en Afrique du sud, 217 en Espagne, 40 en Allemagne : trois épisodes importants de listériose récents ont eu des grandes répercussions européennes et mondiales. Ils ont cependant eu des caractéristiques épidémiologiques très différentes.

L'épisode Sud-AfricainL’épisode Sud-Africain est le plus important jamais observé au niveau mondial, même si le nombre de cas devrait être légèrement revu à la baisse dans un bilan définitif à paraître prochainement. Cet épisode se caractérise par son intensité et sa durée, dans un pays où la sécurité sanitaire des aliments ne considérait pas Listeria monocytogenes comme un critère microbiologique et comme une priorité de santé publique. Il s’est passé en effet plusieurs mois entre la première alerte mi-juin 2017, l’identification de la source, le 13 Janvier 2018 suite à des cas groupés dans une crèche, et le retrait du produit, le 4 mars 2018. Si la source n’avait pas été identifiée, l’épisode aurait pu durer encore longtemps. Après l’inspection de l’usine concernée d’un grand opérateur du secteur alimentaire sud-africain, la source de contamination a été établie à un point clé du processus de fabrication d’un aliment de base, de type mortadelle. Suite à cet épisode, le système de surveillance a été fortement amélioré, avec la participation d’experts français, et le Whole Genome Sequencing (WGS) est désormais utilisé en routine pour détecter les regroupements de cas.

Episode espagnolL’épisode espagnol est lui le plus important survenu en Europe depuis 25 ans. Le nombre de cas comptabilisé est actuellement de 217 et augmentera probablement quand le bilan définitif sera effectué car la décentralisation et l’existence de cas chez des touristes étrangers complique la compilation des données. Tout s’est joué en quelques semaines, en août 2019, et principalement dans une région très touristique, l’Andalousie. La source a été identifiée suite à une enquête de terrain ; il s’agissait d’une sorte de pain de viande fabriqué par une PME locale. Le retrait du produit a été effectué le 15 août et le pic du nombre de cas constaté quelques jours après. Tous les éléments d’analyse ne sont pas encore disponibles, mais il semble bien que l’intensité de cet épisode soit lié à une très forte contamination du produit et non pas à une virulence particulière de la souche de Listeria monocytogenes. Une autre caractéristique de cet épisode est la faible mortalité observée : 1 % alors qu’il est habituellement de 20 à 30%. Deux hypothèses sont évoquées dans la presse pour expliquer cela ; la première est que la faible mortalité est due à une antibiothérapie plus agressive que ce qui est prévu dans les protocoles habituels en Espagne (la stratégie d’antibiothérapie a été modifiée devant l’intensité de l’épidémie, en particulier sur les patients à risque et les femmes enceintes), la seconde hypothèse est que des cas à symptomatologie légère ont été inclus, alors qu’ils ne l’auraient pas été s’ils avaient été sporadiques. Quant aux suites organisationnelles de cet épisode, il semble qu’elles porteront surtout sur l’organisation des contrôles de terrain et leur financement. En effet, la surveillance clinique a été réactive et le WGS est déjà implanté en Espagne.

Episode allemandL’épisode allemand est complètement différent. La répercussion médiatique a là aussi été importante et à la première lecture d’articles de presse on aurait pu croire qu’il s’agissait d’un épisode intense comme le cas espagnol. En fait, il s’agit d’une épidémie sporadique de longue durée: les 40 cas, dont trois décès, ont été observés sur une période de cinq ans, de 2014 à 2019. Ces cas n’auraient probablement pas été regroupés si le système de surveillance allemand n’avait pas été considérablement renforcé, avec la génomique, suite au dramatique épisode de syndromes urémiques et hémolytiques lié à une contamination de graines de fenugrec germées, par Escherichia coli O104:H4 en 2011. Les analyses WGS sont désormais très fréquemment utilisées en Allemagne. Cet épisode allemand est ainsi probablement le prototype des épidémies à bas-bruit qui seront désormais détectées, grâce au WGS, dans les pays ayant un système de surveillance de haut niveau. Les cas sporadiques sont peut-être, comme dans l'épisode allemand, des cas qui attendent l’information qui les reliera entre eux pour les transformer en épidémies. L’organisation allemande devrait d’ailleurs encore être améliorée suite à cet épisode : une des propositions du Land où est implanté l’industriel concerné est de créer une base de données fédérale des séquences génomiques des souches.