Beauvéricine, énniatines et moniliformine, des mycotoxines d'intérêt émergent...

champs de blé Dans le prolongement des travaux menés sur la surveillance du cadmium en 2022, la Plateforme a orienté ses efforts vers une nouvelle thématique émergente en lançant, en décembre 2023, le Groupe de Travail FUSÉ. Ce groupe est consacré à la surveillance de certaines fusariotoxines considérées comme émergentes, les énniatines, la beauvéricine et la moniliformine. Regroupant 16 experts issus d’organismes publics et privés, et co-animé par INRAE et Intercéréales, ce GT a pour mission de formuler des recommandations pratiques pour optimiser les dispositifs de surveillance existants ou, si nécessaire, déployer des plans adaptés. Les résultats de ces travaux, visant à renforcer la sécurité sanitaire et la réactivité des acteurs concernés, sont attendus pour juin 2025.

La beauvéricine, les énniatines et la moniliformine sont des mycotoxines produites par différentes espèces de champignons, principalement du genre Fusarium. Ces mycotoxines sont observées essentiellement dans les céréales et les produits céréaliers mais leur présence a également été documentée dans les huiles végétales, les légumineuses, les fruits secs, le café et certaines denrées d’origine animale (poisson, lait).

Figure 1 : Structure chimique de la beauvéricine, de l'énniatine A et de la moniliformine
Figure 1 : Structure chimique de la beauvéricine, de l'énniatine A et de la moniliformine

La beauvéricine et les énniatines présentent des structures chimiques très similaires, car elles proviennent de voies de biosynthèse communes chez les champignons. Elles ont fait l’objet d’un premier avis de l’Efsa[1] paru en 2014, lequel a permis d’identifier les produits céréaliers en particulier le pain, les produits de boulangerie fine et les pâtes comme principaux contributeurs à l’exposition chronique. Au stade de la production primaire, la beauvéricine et les énniatines étaient détectées respectivement dans 54 % et 76 % des grains, avec les concentrations moyennes les plus élevées observées dans l’avoine pour la beauvéricine (29,7 µg/kg) et l’orge pour la somme des énniatines (703 µg/kg).

Ces mycotoxines sont souvent détectées simultanément avec la moniliformine dans les mêmes matrices, ce qui justifie de les aborder dans un même groupe de travail. La moniliformine demeure cependant moins documentée que les deux précédentes. Ainsi, dans l’avis Efsa[2] de 2018, celle-ci n’était détectée que dans des produits céréaliers, avec des concentrations moyennes élevées rapportées dans le maïs en grains (213,8 µg/kg) et les flocons de céréales (46,3 µg/kg).

...associées à des préoccupations sanitaires

Dans ses deux avis, l'Efsa a exprimé des inquiétudes concernant la présence de ces mycotoxines dans les produits céréaliers bien que des incertitudes subsistent, aucune valeur toxicologique de référence n’ayant été établie jusqu’à présent.

Ces mycotoxines possèdent des activités cytotoxiques et pourraient engendrer des effets néfastes sur la santé humaine : notamment, la beauvéricine et les énniatines sont associées à des effets immunotoxiques (in vitro), tandis que la moniliformine peut entraîner des effets cardiovasculaires (dans des modèles animaux).

De récents travaux de toxicologie ont conduit la Commission européenne à mandater l’Efsa pour le réexamen de ses précédents avis, avec une réévaluation[3] de la génotoxicité de la beauvéricine parue en octobre 2024 et une réévaluation complète des énniatines attendue pour 2026. Dans le cadre du projet européen PARC, des recherches sont en cours sur les énniatines afin de mieux caractériser le danger associé à une exposition par voie orale.

Le GT FUSÉ

Le GT FUSÉ doit réaliser un état des lieux de la surveillance mise en place à ce jour et élaborer des recommandations pour permettre d’optimiser celle-ci. Il réunit les organismes suivants : ACTA (représentée par Arvalis), ACTIA (représentée par l’IFBM), Anses, CGAD (représentée par la CNBPF), DGAL, FCD, FranceAgriMer, INRAE (représenté par les unités MycSA, Toxalim et le LABERCA), Intercéréales, La Coopération agricole, Oqualim, la Plateforme SCA, le SCL de Rennes. Ses travaux se déclinent en quatre axes :  

  • Le premier concerne le recensement des plans de surveillance existants au niveau national ainsi que des méthodes d’analyse développées et les laboratoires proposant ces analyses ;
  • Le second axe concerne un état des connaissances actuelles décliné dans des fiches synthétiques destinées à un large public. Elles reprendront des éléments relatifs à la toxicité, les conditions d’apparition au champ et l’occurrence dans l’alimentation de ces mycotoxines.
  • Un travail de documentation des sources et des niveaux de la contamination de la chaîne alimentaire est également prévu, en exploitant des données de la littérature et des données transmises à l’Efsa par les États membres.
  • Enfin, le groupe formulera des recommandations qui porteront sur toutes les étapes de la surveillance, de la conception des plans d’échantillonnage aux collaborations à renforcer, en passant par l’optimisation des outils analytiques et la qualité des données collectées.
Figure 2 : Programme de travail prévisionnel du GT FUSÉ
Figure 2 : Programme de travail prévisionnel du GT FUSÉ

 


[1] EFSA CONTAM Panel (EFSA Panel on Contaminants in the Food Chain), 2014. Scientific Opinion on the risks to human and animal health related to the presence of beauvericin and enniatins in food and feed. EFSA Journal 2014; 12(8):3802, 174 pp. doi:10.2903/j.efsa.2014.3802

[2] EFSA CONTAM Panel (EFSA Panel on Contaminants in the Food Chain), Knutsen HK, Alexander J, Barregård L, Bignami M, Brüschweiler B, Ceccatelli S, Cottrill B, Dinovi M, Grasl-Kraupp B, Hogstrand C, Hoogenboom LR, Nebbia CS, Oswald IP, Petersen A, Rose M, Roudot A-C, Schwerdtle T, Vleminckx C, Vollmer G, Wallace H, De Saeger S, Eriksen GS, Farmer P, Fremy J-M, Gong YY, Meyer K, Naegeli H, Parent-Massin D, van Egmond H, Altieri A, Colombo P, Eskola M, van Manen M and Edler L, 2018. Scientific Opinion on the risks to human and animal health related to the presence of moniliformin in food and feed. EFSA Journal 2018;16(3):5082, 95 pp. https://doi.org/10.2903/j.efsa.2018.5082

[3] EFSA CONTAM Panel (EFSA Panel on Contaminants in the Food Chain), Knutsen, H. K., Åkesson, A., Bampidis, V., Bodin, L., Chipman, J. K., Degen, G., Hernández-Jerez, A., Hofer, T., Hogstrand, C., Landi, S., Leblanc, J.-C., Machera, K., Ntzani, E., Rychen, G., Sand, S., Schwerdtle, T., Vejdovszky, K., Viviani, B., … Bignami, M. (2024). Genotoxicity of beauvericin. EFSA Journal, 22(10), e9031. https://doi.org/10.2903/j.efsa.2024.9031