La contamination des denrées alimentaires par des huiles minérales est un sujet de préoccupations sanitaire et sociétale. Le BuSCA fait le point sur ce dossier pour lequel les connaissances restent lacunaires.

Quelques éléments sur les huiles minérales

MOSH
Exemples de MOSH [1]

Les hydrocarbures d’huiles minérales (MOH) sont principalement issus des transformations du pétrole. Leur présence dans l’alimentation humaine peut résulter de nombreuses sources : contamination environnementale, utilisation dans l’industrie alimentaire (par exemple, comme auxiliaire technologique en boulangerie ou comme additif alimentaire), transfert à partir de matériaux au contact, usage phytosanitaire, emploi à but médical, substitut d’huiles végétales dans certains régimes… Ce sont des mélanges complexes, au sein desquels sont distingués les hydrocarbures saturés (MOSH), qui englobent les paraffines et les naphtènes, et les composés aromatiques (MOAH) .

Un intérêt croissant depuis 2008

Web On Science
Nombre de publications avec les termes "mineral oils" et "food" entre 1995 et fin octobre 2019 (Web on Science)

La préoccupation pour les huiles minérales dans l’alimentation s’est développé à partir de 2008 suite à une alerte du RASFF (Rapid Alert System for Food and Feed) faisant état d’une huile de tournesol fortement contaminée par des huiles minérales [1]. Une augmentation du nombre d’articles scientifiques portant sur l’association des termes mineral oils et food publiés depuis 2008-2009 témoigne de l’intérêt croissant pour ce sujet.

 

 

 

 

Des connaissances toxicologiques insuffisantes

Seuls les hydrocarbures d’huiles minérales comportant entre 10 et 50 carbones sont considérés comme pertinents à prendre en compte pour l’évaluation du risque liés aux MOH dans l’alimentation car les composés comportant moins de 10 carbones sont extrêmement volatiles et ceux comportant plus de 50 carbones ne sont pas absorbés. Les MOSH peuvent s’accumuler dans divers tissus tels que les graisses, les ganglions lymphatiques, la rate et le foie. Ce potentiel d’accumulation dépend du nombre de carbones constituant ces composés et de leur structure chimique. Les études réalisées sur des rats n’ont pas mis en évidence d’effets toxiques majeurs des MOSH. Chez l’Homme, l’effet toxique retenu pour établir une Dose Sans Effet Néfaste Observé (DSENO ou NOAEL en anglais) est la constitution de microgranulomes hépatiques associés à une inflammation chez le rat Fischer. Cependant, la pertinence de cet effet critique chez l’Homme et la représentativité des souches de rats Fischer est toujours l’objet de débats. Enfin, les MOSH ne sont pas mutagènes. Pour les MOAH, leur mutagénicité et carcinogénicité est liée à la présence d’hydrocarbures aromatiques polycycliques comportant entre trois et sept cycles non alkylés ou comportant un groupement alkyl. La détermination des composés d’un mélange de MOAH est donc essentielle car la préoccupation sanitaire du mélange est liée à sa composition. Or, les méthodes actuelles ne permettent pas une discrimination fine (cf. ci-après) et la caractérisation toxicologique des MOAH est incomplète à ce jour. De plus, de nombreuses études de toxicité ont été effectuées sur les rats et les souris à partir de mélanges qui ne sont pas nécessairement représentatifs de la contamination de l’alimentation humaine. [1, 2, 3, 4, 5, 6]

Des limites analytiques

MOAH
Exemples de MOAH [1]

Depuis le milieu des années 90, la méthode privilégiée pour l’analyse en routine des MOH repose sur une technique associant une chromatographie en phase liquide à une chromatographie en phase gazeuse couplée à un détecteur à ionisation de flamme en ligne. Cette technique a été retenue car elle permet d’analyser de nombreux échantillons et d’approximer les longueurs de chaîne des composés présents. Néanmoins, elle a également ses limites : Il n’est pas possible d’identifier individuellement tous les constituants d’un mélange en raison de la grande variété de molécules très similaires. Les résultats sont complexes à interpréter et les faux-positifs difficiles à déceler, ce qui peut conduire à surestimer la contamination en MOH [7]. 

Les huiles minérales dans le RASFF

RASFFDu 1er janvier 2017 au 31 août 2020, 18 notifications effectuées au RASFF concernaient des contaminations par des huiles minérales. Ceci représente 1,3 ‰ des 13 353 notifications effectuées sur la période, soit quatre à six par an. L’Allemagne est à l’origine des deux-tiers des notifications (12/18). Les produits concernés sont des aliments (15 cas, dont dix de la catégorie céréales et produits de boulangerie), des matériaux en contact avec les denrées alimentaires (n=2) et de l’aliment pour le bétail (n=1). Une seule de ces notifications a été faite par la France, en 2018, suite à un autocontrôle d’un producteur français de mini donuts congelés. Trois notifications faisaient suite à des autocontrôles, les quinze autres résultaient de contrôles officiels. En effet, en janvier 2017, la Commission Européenne a publié une recommandation incitant les États Membres à la surveillance des MOH dans les denrées alimentaires [8]. Cette recommandation a été prolongée en 2019 et son champ d’application a été élargi en 2020. Concernant le niveau des contaminations, les concentrations en MOAH sont renseignées pour 12 cas, et celles des MOSH pour dix cas. La concentration médiane en MOAH est de 13 mg/kg (1 à 190 mg/kg) et celle de MOSH de 49 mg/kg (4 à 8777 mg / kg). Il n'existe pas à ce jour de valeurs réglementaires des MOH dans les aliments. Néanmoins des recommandations nationales ont été proposées à l'étranger par exemple en Belgique [9] et en Allemagne [10].

Des limites mais aussi des initiatives

Les méthodes analytiques disponibles à l’heure actuelle ne permettent pas une discrimination précise de la composition des mélanges, élément essentiel pour déterminer leur toxicité. En terme de toxicologie, des interrogations demeurent sur le modèle à considérer et notamment l’adaptabilité à l’Homme des résultats retrouvés chez le rat Fischer, sur les effets à prendre en compte, et les éventuels effets doses-réponses utilisables pour établir une valeur toxicologique de référence et des limites harmonisées au niveau international. Du fait de ces obstacles, les données sur les huiles minérales sont actuellement limitées.

Cependant, des outils existent déjà pour appuyer la surveillance des MOH et faciliter la démarche globale de diminution de ces substances dans l’alimentation, notamment en ciblant les transferts d’huiles minérales à partir des emballages. Dans cette optique, l’Association Nationale des Industries Alimentaires (ANIA) a proposé une « Toolbox », récapitulant les principales sources d’huiles minérales dans les aliments et les recommandations associées pour réduire les contaminations [11]. Compte tenu de leur toxicité, la surveillance doit être axée sur la présence potentielle d’hydrocarbures aromatiques polycycliques de 3 à 7 cycles.