La période des fêtes 2019-2020 a été marquée, en France et en Europe, par un nombre important de cas groupés de gastro-entérites pour lesquels la source présumée est la consommation d’huîtres contaminées par norovirus [1]. C’est l’occasion de faire le point sur les outils de diagnostic et les données de surveillance de ce danger.

Le norovirus et les outils de diagnostic

Les norovirus (NoV) sont la principale cause de gastro-entérites aigües chez l’Homme. Ce sont des virus nus à ARN. Les NoV sont classés en génogroupes dont trois infectent l’Homme (les I, II et IV). Depuis plusieurs années, 80 à 90 % des cas cliniques sont liés au génogroupe II [2]. L’Homme constitue le seul réservoir des NoV humains [3]. Pour la gestion du risque microbiologique dans les mollusques bivalves vivants, Escherichia. coli (E. coli) est utilisé comme indicateur de contamination fécale, conjointement à des signaux d’alerte sur la pluviométrie et les incidents sur le réseau d’assainissement [4]. Néanmoins, E. coli est reconnu pour avoir une survie très inférieure aux virus, dans l’environnement et vis-à-vis des traitements d’assainissement. De plus, les NoV se lient spécifiquement à la glande digestive des mollusques via des glycanes appelés A-Like HBGA [5]. Ce phénomène de liaison implique que les mollusques peuvent concentrer les NoV. La détection d’E. coli peut donc indiquer la présence éventuelle de NoV mais la non-détection de la bactérie ne garantit pas l’absence du virus.

Les NorovirusLes méthodes de détection [6] et de quantification [7] du génome des norovirus sont normées par l’ISO. Il s’agit d’une qPCR en temps réel qui détecte les génogroupes I et II. La RT-qPCR permet de détecter le génome du virus mais ne donne pas d’indication sur son caractère infectieux. La caractérisation du caractère infectieux des NoV est très difficile car ils ne sont pas cultivables en routine ; des travaux de recherche sont donc menés par différentes équipes pour développer des méthodes permettant de caractériser le risque infectieux des NoV dans les aliments à risque (coquillages et végétaux). 

En France, des travaux sont menés par l’UMT Actia VIROcontrol et le laboratoire LSEM de l’IFREMER. VIROcontrol investigue deux axes de recherche. Le premier axe consiste à identifier, au niveau de la capside, des clés moléculaires témoignant de l’inactivation des particules virales. Le second axe, plus proche d’une mise en pratique, utilise les phages ARN F-spécifiques (FRNAPH-II) comme indicateurs indirects du danger NoV dans les coquillages. Ces phages sont des virus infectant des bactéries et ont l’avantage d’être facilement cultivables. Ils sont naturellement présents chez l’Homme. Ils présentent des caractéristiques structurales proches de celles des NoV et sont déjà utilisés pour caractériser les performances des membranes de filtration de l’eau potable [8]. La dynamique des phages dans l’environnement est similaire à celle des norovirus [9] et il a été démontré une corrélation significative entre la présence des génomes de NoV et ceux des FRNAPH-II [910]. De son côté, l’IFREMER développe la culture des norovirus sur des cellules souches intestinales humaines (enteroïdes). Cette technique, assez complexe, pourra servir à la validation de méthode (Par exemple, détermination de la durée minimale de purification des coquillages).

Surveillance au niveau européen

Variation de la prévalence apparente de NoV au cours de l’année dans les zones de production, suivant la saison et le classement des zones de production.
Variation de la prévalence apparente de NoV au cours de l’année dans les zones de production, suivant la saison et le classement des zones de production.

L’EFSA a publié en 2019 les résultats d’une enquête de référence sur la contamination des huîtres par NoV [11]. Cette étude était conçue pour évaluer la prévalence en génome de NoV dans les huîtres, sans considération du risque pour la santé humaine. Elle a concerné douze états membres et la Norvège, de 2016 à 2018. La France représente 39% des résultats de l’étude au niveau des zones de production et 89% en centres d’expédition. Au niveau européen, les résultats montrent une prévalence en génome de NoV humains dans les huîtres de 34,5% au niveau des zones de production (n=2 180) et de 10,9% au niveau des centres d’expédition (n= 2 129). Le niveau de contamination était, dans plus de 90% des cas inférieur, à la limite de quantification (non détection ou détection en-dessous de la limite de quantification). La contamination a une forte composante saisonnière (moindre prévalence en été, pic de novembre à février).

Variation de la prévalence apparente de NoV au cours de l’année dans les centres d’expédition, suivant la saison et le classement des zones de production.
Variation de la prévalence apparente de NoV au cours de l’année dans les centres d’expédition, suivant la saison et le classement des zones de production.

Un autre facteur de risque est le classement de la zone au regard du risque de contamination fécale. Toutes les zones de production européennes sont classées dans une des quatre catégories (A, B, C et non classée) en fonction de l’ensemble des quantifications d’E. coli réalisées dans la zone. Le classement est réévalué chaque année en tenant compte des résultats de surveillance des 3 années précédentes. Les zones A sont celles où la qualité de l’eau est la meilleure. Les coquillages qui y sont produits peuvent être commercialisés sans passage en centre de purification. 

L’étude EFSA a montré que la contamination par les NoV était moindre dans les zones classées A, quelle que soit la période de l’année. Ceci est vrai au niveau des zones de production mais aussi des centres d’expédition. Ces résultats confirment l’impact de la qualité générale des eaux sur le risque NoV. Une différence dans la saisonnalité a aussi été observée entre les deux génogroupes testés. La saisonnalité est moins marquée pour les NoV de génogroupe I. Ce phénomène est cohérent avec les travaux de l’Ifremer sur les ligands. Le NoV de génogroupe I étant plus fortement lié aux huîtres que le génogroupe II, il est logique qu’il y persiste plus longtemps, et donc que sa saisonnalité soit moins forte [5].