BuSCA n°24 - 10 septembre 2020

 

Éditorial

 

Chers lecteurs,

A l’occasion de la parution de ce BuSCA, nous vous souhaitons une excellente rentrée ! Vous trouverez dans les brèves trois bilans réalisés par des pays européens sur des dangers microbiologiques, informations qui viennent compléter notre connaissance sur des contaminants de la chaîne alimentaire. Par ailleurs un focus vous est proposé sur la contamination des aliments par les huiles minérales, pour laquelle un intérêt croissant est noté ces dernières années.

Bonne lecture !

 

Dangers biologiques

 

 

Suivi 

France (cas) et Espagne (origine), Salmonella Typhimurium, saucisson

Dix-huit cas, dont 12 enfants, ont été identifiés sur le territoire national lors de l’épisode de salmonellose à Salmonella Typhimurium (variant monophasique) lié à la consommation de saucisson sec produit en Espagne (cf. BuSCA 23). Les cas ont été identifiés entre le 8 juillet et le 3 août 2020. Un supermarché en Gironde était l’unique point de vente. Un 1er retrait avait eu lieu dès le vendredi 21 août dans un  supermarché en Gironde sur la base des premiers éléments de l’enquête. Le 03/09, un retrait et rappel national sur l’ensemble des fuets produits par cette entreprise, quels que soient le numéro de lot, les dates et leur présentation, a été effectué. Lien

 

Suivi

Suisse, Listeria monocytogenes, fromage

Le BuSCA 17 avait rapporté quatre cas de listériose en Suisse, suite à la consommation de fromage suisse de type brie. Au total, 34 cas identifiés depuis 2018 ont été infectés par une souche de Listeria identique à celle retrouvée dans certains fromages de l'exploitation incriminée. Parmi ces cas, dix personnes sont décédées. Lien

 

Bilan

Angleterre, Listeria monocytogenes, fruits et légumes congelés

L’agence anglaise de santé publique a publié les résultats d’un plan de surveillance de la contamination par Listeria monocytogenes des fruits et légumes congelés. Un total de 1 050 produits a été prélevé et analysé. Sept pour cent des échantillons ont été détectés contaminés par Listeria monocytogenes. Il s’agissait principalement de légumes (92 % des positifs). Les légumes, en particulier quand ils sont blanchis, sont en général un milieu plus favorable au développement de L. monocytogenes que les fruits, qui sont protégés par leur tégument et leur acidité. Selon les auteurs, la consommation sous forme de jus ou de smoothie de légumes décongelés puis conservés quelques jours avant consommation est un scenario à risque. Lien

Bilan

Suisse, zoonoses

L’office fédéral suisse de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) a publié son rapport 2019 sur les zoonoses. La campylobactériose (7 000 cas) et la salmonellose (1 500 cas) sont de nouveau les pathologies avec le plus de notifications, mais l’année a été marquée par une nouvelle augmentation des infections par les Escherichia coli producteurs de shigatoxines (STEC) chez l’Homme (993 cas, contre 822 en 2018). Les autorités suisses estiment que la cause principale de cette hausse est liée au fait que, les laboratoires pratiquent davantage de tests de tection des STEC grâce aux nouvelles méthodes d’analyse, ce qui permet de détecter plus de cas. Lien

Bilan

Danemark, Campylobacter et Salmonella spp., viande de canard 

Les autorités danoises ont récemment publié leur rapport 2019 sur les zoonoses. La surveillance de Campylobacter chez les humains et dans les aliments ainsi que le plan de contrôle de ce pathogène en production de poulets de chair tiennent une place particulière dans ce rapport, et en particulier l’étude WGS rapportée dans le BuSCA n°9. Concernant l’attribution des sources de salmonelloses, le fait marquant de l’année 2019 est que la deuxième source la plus importante a été la viande de canard importée (6,5 % des cas), presque au niveau de la viande de porc danoise (8,0 % des cas). Lien La France a exporté en 2019 10 200 tonnes de viande de canard au Danemark, soit 65 % des importations de ce pays. Lien

 

Dangers chimiques 

 

Étude

Chine, nitrosamines

Les nitrosamines sont des composés organiques, suspectés d’être cancérogènes, formés par une réaction de nitrosation entre des agents nitrosants (nitrites ou des nitrates) et des précurseurs (amines ou acides amis). Des chercheurs chinois ont analysé les données relatives aux concentrations de la N-nitrosodimethylamine (NDMA), de la N-nitrosodiethylamine (NDEA) et des nitrosamines volatiles totales (TVNA) dans les aliments et dans l’eau de boisson en Chine sur les quatre dernières décennies. Les concentrations les plus élevées ont été retrouvées dans les produits de la mer (y compris les produits frais), les viandes, la bière, ainsi que les champignons pour le NDMA (bien que pour ceux-ci les informations soient lacunaires). L’apport quotidien de NDMA  estimé en Chine (moyenne de 251 ng/j avec de fortes disparités régionales) est similaire à celui observé en Allemagne (231 ng/j) mais plus élevé que ce qui a pu être rapporté aux États-Unis (136 ng/j), au Canada (88 ng/j) et en France (188 ng/j). L’eau de boisson est un contributeur non négligeable (en moyenne 13% de l’exposition au NDMA). Les auteurs concluent sur l’intérêt de fixer des valeurs limites dans l’eau de boisson. Lien

 

Point Sur : MOAH, MOSH ...et mélanges ! 

 

La contamination des denrées alimentaires par des huiles minérales est un sujet de préoccupations sanitaire et sociétale. Le BuSCA fait le point sur ce dossier pour lequel les connaissances restent lacunaires.

 

Exemples de MOSH [1]

 

Quelques éléments sur les huiles minérales

 

Les hydrocarbures d’huiles minérales (MOH) sont principalement issus des transformations du pétrole. Leur présence dans l’alimentation humaine peut résulter de nombreuses sources : contamination environnementale, utilisation dans l’industrie alimentaire (par exemple, comme auxiliaire technologique en boulangerie ou comme additif alimentaire), transfert à partir de matériaux au contact, usage phytosanitaire, emploi à but médical, substitut d’huiles végétales dans certains régimes… Ce sont des mélanges complexes, au sein desquels sont distingués les hydrocarbures saturés (MOSH), qui englobent les paraffines et les naphtènes, et les composés aromatiques (MOAH) .

Nombre de publications avec les termes "mineral oils" et "food" entre 1995 et fin octobre 2019 (Web on Science)

 

Un intérêt croissant depuis 2008

 

La préoccupation pour les huiles minérales dans l’alimentation s’est développé à partir de 2008 suite à une alerte du RASFF (Rapid Alert System for Food and Feed) faisant état d’une huile de tournesol fortement contaminée par des huiles minérales (EFSA, 2012). Une augmentation du nombre d’articles scientifiques portant sur l’association des termes « mineral oils » et « food » publiés depuis 2008-2009 témoigne de l’intérêt croissant pour ce sujet.

 

 

Des connaissances toxicologiques insuffisantes

 

Seuls les hydrocarbures d’huiles minérales comportant entre 10 et 50 carbones sont considérés comme pertinents à prendre en compte pour l’évaluation du risque liés aux MOH dans l’alimentation car les composés comportant moins de 10 carbones sont extrêmement volatiles et ceux comportant plus de 50 carbones ne sont pas absorbés. Les MOSH peuvent s’accumuler dans divers tissus tels que les graisses, les ganglions lymphatiques, la rate et le foie. Ce potentiel d’accumulation dépend du nombre de carbones constituant ces composés et de leur structure chimique. Les études réalisées sur des rats n’ont pas mis en évidence d’effets toxiques majeurs des MOSH. Chez l’Homme, l’effet toxique retenu pour établir une Dose Sans Effet Néfaste Observé (DSENO ou NOAEL en anglais) est la constitution de microgranulomes hépatiques associés à une inflammation chez le rat Fischer. Cependant, la pertinence de cet effet critique chez l’Homme et la représentativité des souches de rats Fischer est toujours l’objet de débats. Enfin, les MOSH ne sont pas mutagènes. Pour les MOAH, leur mutagénicité et carcinogénicité est liée à la présence d’hydrocarbures aromatiques polycycliques comportant entre trois et sept cycles non alkylés ou comportant un groupement alkyl. La détermination des composés d’un mélange de MOAH est donc essentielle car la préoccupation sanitaire du mélange est liée à sa composition. Or, les méthodes actuelles ne permettent pas une discrimination fine (cf. ci-après) et la caractérisation toxicologique des MOAH est incomplète à ce jour. De plus, de nombreuses études de toxicité ont été effectuées sur les rats et les souris à partir de mélanges qui ne sont pas nécessairement représentatifs de la contamination de l’alimentation humaine. [1, 2, 3, 4, 5, 6]

 

Exemples de MOAH [1]

 

 

Des limites analytiques

 

Depuis le milieu des années 90, la méthode privilégiée pour l’analyse en routine des MOH repose sur une technique associant une chromatographie en phase liquide à une chromatographie en phase gazeuse couplée à un détecteur à ionisation de flamme en ligne. Cette technique a été retenue car elle permet d’analyser de nombreux échantillons et d’approximer les longueurs de chaîne des composés présents. Néanmoins, elle a également ses limites : Il n’est pas possible d’identifier individuellement tous les constituants d’un mélange en raison de la grande variété de molécules très similaires. Les résultats sont complexes à interpréter et les faux-positifs difficiles à déceler, ce qui peut conduire à surestimer la contamination en MOH [7]. 

 

Les huiles minérales dans le RASFF

 

Du 1er janvier 2017 au 31 août 2020, 18 notifications effectuées au RASFF concernaient des contaminations par des huiles minérales. Ceci représente 1,3 ‰ des 13 353 notifications effectuées sur la période, soit quatre à six par an. L’Allemagne est à l’origine des deux-tiers des notifications (12/18). Les produits concernés sont des aliments (15 cas, dont dix de la catégorie céréales et produits de boulangerie), des matériaux en contact avec les denrées alimentaires (n=2) et de l’aliment pour le bétail (n=1). Une seule de ces notifications a été faite par la France, en 2018, suite à un autocontrôle d’un producteur français de mini donuts congelés. Trois notifications faisaient suite à des autocontrôles, les quinze autres résultaient de contrôles officiels. En effet, en janvier 2017, la Commission Européenne a publié une recommandation incitant les États Membres à la surveillance des MOH dans les denrées alimentaires [8]. Cette recommandation a été prolongée en 2019 et son champ d’application a été élargi en 2020. Concernant le niveau des contaminations, les concentrations en MOAH sont renseignées pour 12 cas, et celles des MOSH pour dix cas. La concentration médiane en MOAH est de 13 mg/kg (1 à 190 mg/kg) et celle de MOSH de 49 mg/kg (4 à 8777 mg / kg). Il n'existe pas à ce jour de valeurs réglementaires des MOH dans les aliments. Néanmoins des recommandations nationales ont été proposées à l'étranger par exemple en Belgique [9] et en Allemagne [10]..

Des limites mais aussi des initiatives

 

Les méthodes analytiques disponibles à l’heure actuelle ne permettent pas une discrimination précise de la composition des mélanges, élément essentiel pour déterminer leur toxicité. En terme de toxicologie, des interrogations demeurent sur le modèle à considérer et notamment l’adaptabilité à l’Homme des résultats retrouvés chez le rat Fischer, sur les effets à prendre en compte, et les éventuels effets doses-réponses utilisables pour établir une valeur toxicologique de référence et des limites harmonisées au niveau international. Du fait de ces obstacles, les données sur les huiles minérales sont actuellement limitées.

 

Cependant, des outils existent déjà pour appuyer la surveillance des MOH et faciliter la démarche globale de diminution de ces substances dans l’alimentation, notamment en ciblant les transferts d’huiles minérales à partir des emballages. Dans cette optique, l’Association Nationale des Industries Alimentaires (ANIA) a proposé une « Toolbox », récapitulant les principales sources d’huiles minérales dans les aliments et les recommandations associées pour réduire les contaminations [11]. Compte tenu de leur toxicité, la surveillance doit être axée sur la présence potentielle d’hydrocarbures aromatiques polycycliques de 3 à 7 cycles. 

 

 

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Ce bulletin est rédigé par l’équipe de veille de la Plateforme de surveillance de la chaîne alimentaire. Il n’engage pas les membres de la Plateforme.