BuSCA n°21 - 23 juillet 2020

 

Éditorial

 

Chers lecteurs,

Le nombre important de brèves présentées dans ce vingt-et-unième bulletin n’est pas sans lien avec le rythme estival de parution des BuSCA, toutes les trois semaines. Vous trouverez également avec le détail habituel, un Point sur les Anisakidae, parasitant des produits de la pêche destinés à l’alimentation humaine et ciblés par de précédentes brèves.

Bonne lecture et bel été à tous !

 

Dangers biologiques

 

Évènement

Japon, E. coli, salade d’algues

Au japon, 3 453 élèves de plusieurs écoles publiques ont été victimes d’une intoxication alimentaire. L’enquête épidémiologique a montré que le plat incriminé était de la salade d’algues contaminée par E. coli. Ce plat a été servi le 26 juin 2020. A ce jour, aucune information complémentaire sur la caractérisation de la souche d’E. coli concernée par l’épisode n’est disponible. Lien 

Évènement

États-Unis, Salmonella, volaille de basse-cour

Le 23 juin 2020, le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) a rapporté 465 cas groupés d’infection à Salmonella aux États-Unis. Parmi les 86 personnes hospitalisées, une est décédée ; 31% des malades sont des enfants de moins de cinq ans. Les cas ont été signalés dans 42 États. L’enquête épidémiologique identifie les volailles de basse-cour comme la source probable de cette épidémie. Lien

Évènement

Norvège, Yersinia, épinards

En Norvège, entre mai et juin 2020, 23 personnes ont été contaminées par Yersinia enterocolitica O3, probablement suite à l’ingestion de salade d’épinards frais importés. L’Institut norvégien de santé publique (Folkehelseinstituttet) a clôturé cette épidémie le 2 juillet. Entre 40 et 80 cas de yersiniose sont enregistrés chaque année en Norvège. Lien 

Entre mars et mai 2020, plus de 50 cas d’infection à Yersinia enterocolitica avaient été rapportés en Suède et au Danemark. La source probable d’infection était également des épinards frais. Lien 

   

Évènement

Pays-Bas, Listeria, poisson fumé

Une épidémie d’infection  à Listeria aux Pays-Bas, en cours depuis février 2020, a été rendue publique le 10 juillet 2020.  A ce jour, six personnes ont été hospitalisées et deux d’entre elles sont décédées. Cinq personnes ont déclaré avoir mangé du poisson fumé dont une a explicitement mentionné la truite. Le 19 juin, quatre produits issus d’un même processus de production ont fait l’objet d’un rappel. Compte tenu de la durée d’incubation potentiellement longue de Listeria, les autorités sanitaires (Netherlands Food and Consumer Product Safety Authority (NVWA)) n’excluent pas la survenue d’autres cas liés. Lien 

          

Évènement

Royaume-Uni, Salmonella, œufs

Le 9 juillet, 40 cas d’infection à Salmonella Enteritidis au Royaume-Uni ont été rapportés dans la presse, deux malades ont dû être hospitalisés. Par séquençage du génome entier des souches, les cas ont été reliés à la consommation d’œufs produits dans le pays. Une notification du RASFF du 3 juillet 2020 précise que des lots d’œufs contaminés importés du Royaume-Uni aux Pays-Bas ont été soumis à un traitement physique ou chimique. Lien

 

Suivi

Amérique du Nord, Cyclospora, mélange de légumes crus

L’épidémie de cyclosporose (BuSCA n°20) continue de croître en Amérique du Nord. Le 8 juillet 2020, 37 cas d’infection à Cyclospora ont été confirmés au Canada. L’infection serait attribuable à des mélanges de légumes crus de 4ème gamme contenant de la laitue, des carottes et du chou rouge. La majorité des cas (76%) sont des femmes. Le 28 juin, l’Agence Canadienne d’Inspection des Aliments (ACIA) a publié un rappel des salades de la marque Fresh Express. Lien 

Cette épidémie se poursuit également aux États-Unis. Le 9 juillet 2020, le CDC enregistrait 509 cas dans huit États, dont 33 personnes hospitalisées. Lien 

 

 

Étude

États-Unis, méthodes de détection spatio-temporelle d’épidémies

Une étude publiée le 3 juillet montre l’intérêt d’intégrer des analyses spatio-temporelles automatisées pour aider à la détection d’épidémies communautaires. Dans cette enquête, du poulet contaminé par Salmonella Blockley a été identifié à l’origine d’une épidémie. Une infrastructure informatique de gestion des rapports électroniques automatisés en laboratoire, le transfert des rapports vers une base de données de surveillance des maladies et le géocodage des résidences des patients ont permis la détection rapide de l’épidémie. Lien

     

Bilan

Écosse, contaminants microbiologiques, denrées alimentaires

Les autorités sanitaires écossaises ont publié le 14 juillet 2020 un rapport sur les épidémies nationales d’origine alimentaire associées à des contaminations microbiologiques (bactéries, virus, parasites). En 2019, 11 épidémies ont été comptabilisées. Les salmonelles et les E. coli producteurs de shigatoxines (STEC) ont été les organismes les plus fréquemment signalés. Lien 

 

Bilan

Royaume-Uni, contaminants microbiologiques, denrées alimentaires

Dans une publication parue le 24 juin 2020, la Food Standards Agency (FSA) estime à 2,4 millions le nombre de cas liés à des maladies d’origine alimentaire au Royaume-Uni, responsables de 180 décès par an. Parmi les 11 agents pathogènes surveillés, le nombre annuel médian de décès dû aux norovirus est de 56, 33 pour Salmonella, 26 pour Listeria monocytogenes, 25 pour Clostridium perfringens et 21 pour Campylobacter. Les décès recensés, dus à Shigella, Cryptosporidium, Giardia, adénovirus, astrovirus et rotavirus, sont moins fréquents. Lien

 

Dangers biologiques et chimiques

 

 

 

Bilan

Changement climatique, sécurité sanitaire des aliments

L’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (Efsa) a publié le 11 juin un rapport illustrant l’impact du changement climatique sur la sécurité sanitaire des aliments. Dans l’environnement, les températures extrêmes et les évènements climatiques (pluies torrentielles, cyclones) pourraient entraîner l’émergence de toxines produites par des organismes (bactéries, champignons, algues) et la prolifération d'algues nuisibles. Les changements climatiques pourraient également augmenter la sensibilité des animaux aux maladies et favoriser la dispersion des pathogènes excrétés. Les pathogènes concernés sont Salmonella, les virus entériques, Campylobacter, les STEC et Mycobacterium avium. D’autres pathogènes comme Coxiella ou des schistosomes pourraient émerger. Lien 

 

Dangers chimiques 

 

Évènement

République dominicaine, ciguatoxine, poisson

A Puerto Plata, en République Dominicaine, 21 personnes ont été intoxiquées après avoir mangé du poisson (barracuda). Les personnes touchées ont présenté divers symptômes de la ciguatera (diarrhées, vomissements, démangeaisons, sensibilité au froid et à la chaleur, vertiges et faiblesse). Cet épisode a eu lieu le 12 juin. Lien 

Trois autres épisodes de ciguatera ont été précédemment décrits dans les BuSCA n°7, n°14 et n°19.

Étude

Mer Méditerranée, microplastiques, poisson

L’occurrence des microplastiques est de 58% dans les sardines de la zone Nord-Ouest de la mer Méditerranée et de 60% pour les anchois. Cette étude s’est intéressée aux facteurs influençant la contamination par les microplastiques, parmi lesquelles les caractéristiques physiques des poissons, la quantité de parasites et la zone géographique. Les zones présentant les probabilités d’ingestion de microplastiques les plus élevées sont le golfe d’Alicante pour les sardines et le golfe du Lion pour les anchois. Lien

 

 

Étude

Espagne, métaux, produit de régime

Des concentrations élevées d’arsenic, de cadmium ou de plomb ont été retrouvées dans des aliments de régime commercialisés en Espagne. Au total, 22 éléments minéraux ont été recherchés dans 73 produits. Comparées aux teneurs maximales autorisées dans les aliments par la réglementation européenne, des dépassements sont retrouvés comme pour le Plomb dans les milk-shakes dont la moitié des échantillons (3/6) dépassent la limite légale européenne établie à 0,010 mg/kg avec une médiane et un maximum respectivement à 0,061 et 0,314 mg/kg. L’étude conclue que la consommation de certains de ces produits contenant des concentrations élevées d'éléments toxiques pourrait présenter un risque pour les consommateurs. Lien

 

Bilan

Belgique, furane, denrées alimentaires

En Belgique, l’Agence Fédérale pour la Sécurité de la Chaîne Alimentaire (AFSCA) vient de publier un avis proposant des limites d’actions pour le furane - c'est à dire des concentrations au-delà desquelles des actions préventives et/ ou correctrices doivent être entreprises - en considérant ses effets génotoxiques. L’avis s’appuie sur les données rassemblées par l'EFSA en 2017 et collectées en 2002 et 2004 pour la Belgique, et sur des données nationales issues d’une étude publiée en 2012. Une disparité des taux de contamination au sein d'une même classe d'aliment a été mise en évidence dans les deux travaux. Les aliments les plus contaminés en furane, sont des aliments grillés, ayant une longue durée de cuisson ou cuisinés en sauce. Ce bilan rejoint les conclusions de l’avis de l'EFSA de 2017 sur l’exposition alimentaire aux furanes qui constituait une préoccupation sanitaire, particulièrement pour les aliments type café, aliments infantiles, produits à base de céréales, plats préparés. Lien 

 

Point sur les Anisakidae : un risque parasitaire en augmentation pour l’Homme?

 

Plusieurs publications récemment signalées dans le BuSCA concernent des cas d’anisakidose humaine ou d’allergie, induits par l’ingestion de larves d’Anisakidae parasitant des invertébrés ou des poissons. Le BuSCA fait le point sur ce parasitisme et son impact au regard des pratiques de consommation actuelles.

Cycle biologique des Anisakidae (Source Efsa, 2010). L1, L2 et L3 sont les stades larvaires des Anisakidae

 

Les dangers Anisakis spp. et Pseudoterranova spp. et leur surveillance en France et en Europe

 

Les nématodes responsables des anisakidose chez l’Homme appartiennent aux genres Anisakis et Pseudoterranova, au sein de la famille des Anisakidae. Ces parasites ont une grande diversité d’hôtes intermédiaires possibles (Figure 1) et tous les produits de la pêche prélevés dans le milieu naturel peuvent contenir des larves. Selon les espèces et la zone géographique de pêche, de 15 à 100 % des poissons sauvages de mer sont parasités par les larves d’Anisakidae, parfois présentes en très grande quantité. Les larves d’Anisakis sont principalement situées dans la cavité viscérale et peuvent migrer dans les muscles, les larves de Pseudoterranova, elles, sont préférentiellement localisées dans les muscles [1] .

La contamination de l’Homme est quasi-exclusivement alimentaire et se produit après consommation de produits de la pêche crus, insuffisamment cuits (rosés à l’arête) ou insuffisamment transformés (faiblement marinés, salés ou fumés à froid). Dans ce cas, des pathologies généralement digestives peuvent se développer [2]. Des réactions allergiques ont aussi été décrites. Entre 2010 et 2014, l’incidence de l’anisakidose en France était estimée à 3,8 cas par an pour les pathologies digestives et 7,4 cas par an en incluant les pathologies allergiques [3]. Ces données indiquent une diminution des anisakidoses par rapport aux années antérieures, mais une émergence des réactions allergiques. Ces chiffres sont probablement sous-estimés du fait d’un sous diagnostic. A l’échelle mondiale, plus de 2 000 cas humains sont diagnostiqués chaque année (probablement également sous-estimés ).

En Europe, sur les 149 notifications concernant une infestation parasitaire de produits de la pêche rapportées au RASFF depuis 2017, 135 concernaient un parasite de la famille des Anisakidae (principalement du genre Anisakis). La totalité de ces 135 notifications impliquaient un produit de la mer ou d’eau douce, provenant majoritairement d’Espagne ou de France. Ces alertes étaient émises principalement par l’Italie, l’Espagne et la France.

Dans le bilan EFSA One Health 2018 sur les zoonoses [4], l’Espagne, unique État-membre ayant mené une surveillance, a rapporté un taux de contamination sur poisson cru ou produits à base de poisson de 7,2 % (aux maillons pêche et distribution).

En France, un premier plan de surveillance a été mené en 2017 par la Direction Générale de l’Alimentation (DGAl). Le taux d’infestation variait entre 29,7 % pour le lieu noir et 88,9 % pour le merlan [5]. Parmi les sept espèces prélevées, le merlan, la lingue bleue, le merlu et la lotte présentaient les niveaux d’infestation les plus élevées.

Enfin, une étude européenne [6] de 2017 sur un échantillon de 16 espèces de poissons des zones de pêche européennes a montré que l’ensemble des profils considérés à haut risque concernait des poissons potentiellement consommés crus et sans congélation préalable (merlu, cabillaud, anchois).

 

 

Point sur les publications et évènements récents

 

Le BuSCA a rapporté à plusieurs reprises des études et cas humains d’anisakidose. Le BuSCA n°7 rapportait les résultats d’une méta-analyse sur 83 études internationales portant sur la prévalence des Anisakidae dans les espèces de poisson importées sur le marché belge [7]. La prévalence d’Anisakidae estimée pour les deux poissons les plus consommés en Belgique était de 33 % pour le cabillaud et de 5 % pour le saumon. La publication d’une méta-analyse présentant l’évolution de l’abondance de deux genres d’Anisakidae, de 1967 à 2017, chez les invertébrés et les poissons [7] a été rapportée dans le Busca n°13. La prévalence d’Anisakis spp. aurait fortement augmenté alors que celle de Pseudoterranova spp. serait restée stable. Le Busca n°17 rapportait un épisode espagnol de TIAC après l’ingestion de larves d’Anisakidae parasitant des anchois préparés au vinaigre. Un cas humain récent d’anisakidose (Pseudoterranova azarasi) a également été décrit après consommation de sashimi [8].

 

 

 

 

 

 

Parasites dans les flancs (Lotte) en haut et dans les muscles en bas (Source DGAl)

Les actions possibles par les professionnels…

                   

Mieux détecter…

Au delà de l’impact en santé humaine, les altérations organoleptiques des poissons parasités et des produits dérivés occasionnent des pertes économiques. Les trois principales méthodes de détection des Anisakidae sont : l’œil nu, la table de mirage (méthodes non destructives) et la méthode de la presse/UV (méthode très sensible et spécifique mais destructive) [9]. Le plan de surveillance français de 2017 a montré que les deux méthodes non destructives, utilisées par les professionnels, ne détectaient pas toutes les contaminations observées par la méthode destructive [5].

                   

…Pour mieux maîtriser

Le règlement européen (CE) n°853/2004 prescrit des obligations aux professionnels pour la réalisation de contrôles visuels sur les produits de la pêche et l’interdiction de mise sur le marché des produits présentant des parasites visibles à l’œil nu. Toutefois les contrôles visuels n’assurent pas une protection totale du consommateur vis-à-vis du risque parasitaire. Aussi, les parasites pouvant être encore vivants quand les produits de la pêche sont consommés crus, la réglementation européenne prévoit donc que ces derniers soient soumis à un traitement préalable par congélation (-20°C à cœur/24h ou -35°C à cœur/15h).

Au regard des données de surveillance française de 2017, la DGAl a publié en 2019 une instruction technique afin de rappeler les dispositions réglementaires et préciser la mise en œuvre attendue par les professionnels (notamment les opérations de nettoyage/tri/parage), ainsi que les modalités des contrôles officiels [10].

Depuis 2018, le projet ATTILA (Actions de développement de Technologies et Techniques Innovantes pour la Lutte contre les larves d’Anisakidés), porté par France Filière Pêche, vise à développer un outil pour faciliter le travail de nettoyage des poissons et à identifier les conditions influençant la migration des larves d’Anisakidae vers les filets des poissons.

Concernant le risque allergique, il n’existe pas de mesure permettant de prévenir ou maîtriser le risque par les professionnels. Il n’y a pas d’étiquetage obligatoire concernant les allergènes des Anisakidae.

 

… et par le consommateur 

Pour la préparation à la maison des poissons frais, il est nécessaire de cuire à cœur les poissons sauvages (>1min à 60°C), qui ne doivent pas être consommés « rosés à l’arête ». Si le poisson est destiné à être consommé cru, il faut choisir des poissons d’élevage ou des poissons sauvages qui ont été congelés. Dans un congélateur domestique, sept jours sont nécessaires pour assainir les produits. Le projet FreezAni lancé en 2019 vise à définir précisément les conditions de congélation domestique pour tuer les larves d’Anisakidae dans les produits de la pêche. Seule l’éviction des produits de la pêche permet d’éliminer totalement le risque allergique.

 

 

Perspectives

 

Une approche européenne d’élicitation d’expert [11] menée en 2019 a permis d’identifier que les priorités pour maîtriser le danger Anisakidae résidaient dans l’optimisation de la surveillance (espèces à surveiller), l’évolution des pratiques de consommation et l’exploration des interactions parasite/microbiote.

Une prise en compte par l’ensemble de la filière pêche, depuis les manipulations faites sur les navires jusqu’aux contrôles des produits vendus et l’information des consommateurs est indispensable à une meilleure maîtrise de ce danger émergent. Le renouvellement prochain du plan français de surveillance de 2017 permettra de mettre en évidence les effets des mesures mises en place.

 

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Ce bulletin est rédigé par l’équipe de veille de la Plateforme de surveillance de la chaîne alimentaire. Il n’engage pas les membres de la Plateforme.