Aux USA, des épidémies à répétition depuis plusieurs années

aux USAFin septembre 2019, une épidémie impliquant Escherichia coli O157:H7 s’est déclarée aux USA. Au 4 décembre 2019, le CDC comptabilisait 102 cas, dont 58 hospitalisations et 10 syndromes hémolytiques et urémiques (SHU). Aucun décès n’est à déplorer. Les investigations ont permis de déterminer que la source était de la laitue romaine produite en Californie, à Salinas. Un rappel national a été lancé le 21 novembre [1]. Cet épisode est le cinquième qui frappe les laitues américaines depuis 3 ans. En 2017, 76 cas et deux morts par SHU ont été rapportés ; en 2018, deux épisodes indépendants ont totalisé 309 cas (dont certains au Canada), dont 31 SHU et 5 décès; en 2019, un épisode, différent de celui en cours, a été à l’origine de 23 cas [2].

Des sources de contamination identifiées

Laitue romaine
         Laitue romaine

Parmi les différents dangers microbiologiques pouvant contaminer les denrées alimentaires d'origine végétale, certains, comme Listeria, peuvent provenir d’étapes postérieures à la récolte. Ce n’est pas le cas d’E. coli O157:H7, qui est un contaminant d’origine fécale pouvant contaminer les produits végétaux au champ. Ainsi, la souche responsable de la plus grande épidémie de 2018 a pu être tracée jusqu’à un élevage bovin [3] et la souche du second épisode de 2018 a été retrouvée dans les sédiments d’un réservoir d’eau du producteur touché [4].

L’eau d’irrigation est fréquemment citée comme véhicule de contamination, en particulier en cas d’aspersion. Le risque est maximal avec les arrosages qui précédent directement la récolte, pratiqués pour optimiser l’aspect de la salade. Les engrais organiques, les déjections animales, la terre, les mouches sont également des véhicules possibles. La poussière en suspension présente un risque fort lorsque les sols sont secs et qu’elle est soulevée, par exemple, par des troupeaux pouvant rassembler plusieurs dizaines de milliers de bovins [5].

laitue iceberg
          Laitue iceberg

Parmi les différents légumes-feuilles consommés aux USA (bette, blette, épinard, salade, chou, oseille), la laitue romaine est la plus souvent mise en cause. Ceci est dû d’une part à l’importance de sa consommation, et d’autre part à sa forme ouverte qui en fait un réceptacle de contamination. A contrario, le parage à la récolte de la laitue iceberg réduit le risque de contamination de la partie consommée [6].

Le plan d’action des producteurs et autorités américains

Plan d'action des producteursLa production de légumes-feuilles aux USA est concentrée en Californie et Arizona. Au regard de la multiplicité des épisodes de contamination par la souche E. coli O157:H7, la filière de production a élaboré un programme de certification appelé LGMA (California Leafy Green Products Handler Marketing Agreement) [7]. Il s’appuie sur un cahier des charges dont l’application est contrôlée par des audits gouvernementaux. Les risques liés à l’environnement de l’exploitation agricole, l’eau et son usage, les sols et les amendements sont ciblés. Un autocontrôle de l’eau doit être réalisé au moins une fois par saison pour les coliformes et E. coli. Si la qualité de l’eau est insuffisante, E. coli O157:H7 et Salmonella sont recherchés dans les végétaux. Par ailleurs, l’autorité compétente (FDA) a récemment annoncé la mise en place d’un plan annuel de contrôle bactériologique des laitues romaines en production portant sur 270 échantillons. Les dangers recherchés seront les E. coli pathogènes et Salmonella spp [8].

La France est-elle concernée ?

En France et en Europe, aucun épisode semblable à ceux observés aux USA n’a été rapporté. Ceci est peut-être dû à des différences dans les systèmes de production. Par exemple, il n’y a pas en Europe de feedlots (parcs d’engraissement) rassemblant plusieurs dizaines de milliers de têtes de bétail et proches des zones de maraîchage. Cependant d’autres alertes sanitaires portant sur des pathogènes présents sur des légumes-feuilles ont été enregistrées. Le risque lors de la consommation de légumes crus ne peut être exclu.

Suite à la crise de 2011 impliquant des graines germées contaminées par E. coli (O104:H4), une réglementation européenne spécifique à ce type de produit a été adoptée en 2013, renforçant les autocontrôles sur les lots de graines à germer et les lots de germes produits par des professionnels agréés. La Commission européenne a ensuite mandaté l'EFSA pour conduire des évaluations de risque sur les fruits rouges, les salades, le melon et les légumes-racines. S’appuyant sur les conclusions de ces évaluations, le Guide européen de Bonnes Pratiques d’Hygiène 2017C 163/01 a été publié [9]. Ce guide décrit les bonnes pratiques qui devraient être mises en œuvre pour réduire le risque microbiologique sur les fruits et légumes frais : environnement des parcelles, usage d'eau propre en irrigation, usage contrôlé des intrants organiques, pratique d'hygiène à la récolte, au conditionnement et au lavage.

En France, des inspections sont conduites par les services régionaux du ministère de l’agriculture dans les exploitations agricoles. Au nombre de 500 par an, elles ciblent certaines productions à risque (graines germées, cressicultures, fruits et légumes consommés crus). Ces inspections portent sur le respect des bonnes pratiques agricoles et d'hygiène en production, jusqu'à la mise sur le marché. La réalisation d’analyses d’eau par l’irrigant est vérifiée ; l’eau doit être bactériologiquement conforme. Les inspections soulignent une marge de progression importante. Les inspections ne comportent pas de prélèvements systématiques de végétaux pour analyse microbiologique (au contraire de ce qui est réalisé pour les résidus de pesticides). Après mise sur le marché, la DGCCRF conduit des plans de contrôle de la qualité microbiologique des végétaux ; l’occurrence des contaminations microbiennes de ces matrices est faible.